penser, c’est qu’ailleurs il a célébré l’avènement de la commune en 1871 « comme la plus grande action qu’ait accomplie le XIXe siècle dans l’intérêt de la civilisation, comme une nouvelle ère de la conscience politique et sociale. » A la vérité, il accompagne de quelques réserves les éloges qu’il prodigue aux hommes de la commune. Bien qu’il les remercie « d’avoir fait entendre pour la première fois à l’Europe le langage de la nature et du bon sens, et d’avoir purifié par un souffle rafraîchissant l’atmosphère marécageuse où nous vivons, » il les accuse d’un peu de mollesse, d’un excès de scrupules ; il leur reproche leur douceur humanitaire, leur sensibilité romanesque, qui ne leur a pas permis d’exercer dans toute sa rigueur la justice du peuple[1]. » M. Dühring ne prend pas les gens par trahison ni par surprise ; la bourgeoisie berlinoise est avertie, elle sait ce qui l’attend si jamais il devient son maître. Au surplus, les intentions du docteur sont excellentes ; s’il a du goût pour les moyens énergiques, il ne les emploiera jamais qu’à bonne fin : sont but est d’établir dans le monde « la socialité universelle ou la société socialitaire, die socialitäre Gesellschaft. » Que sera précisément la société socialitaire de M. Dühring ? Nous en avons une idée aussi confuse que de son système de philosophie. Cependant nous avons cru comprendre que sous le règne de la socialité universelle, tous les abus disparaîtront, que le mariage ne sera plus une tyrannie, que les impôts ne gêneront plus personne, que le salariat sera aboli, que tout le monde aura sa poule au pot ; qu’enfin tout ira bien parce qu’il n’y aura plus de professeurs et que, si par hasard il en restait quelques-uns, on leur interdirait de prendre femme. Dans la société socialitaire, les grandeurs scientifiques de premier ordre n’auront plus rien à craindre, ni d’Aristote, ni de Mme Helmholtz.
Les idées très avancées de M. Dühring ont peut-être été cause qu’il n’a pas été nommé professeur ; mais ce n’est pas pour un délit d’opinion que la venia docendi lui a été retirée. Ses principes économiques et autres n’ont point été mis à sa charge dans les plaintes adressées par la faculté au ministre, ni dans les considérans par lesquels M. Falk a motivé son arrêté de révocation ; M. Dühring serait aujourd’hui encore privatdocent, s’il ne s’était avisé d’écrire une brochure où, sous prétexte de réformer l’éducation des femmes, il s’est livré à de virulentes attaques contre l’enseignement universitaire. Cette malencontreuse brochure a déchaîné l’orage ; elle était grosse d’une catastrophe. Un privatdocent qui décrie la maison dans laquelle il enseigne, et qui en réclame à cor et à cri la démolition ! Ce procédé a paru incongru ; on a jugé que c’était là une de ces inconvenances prévues par l’article 52 des statuts. Dans son libelle, M. Dühring passe en revue toutes les matières
- ↑ Kritische Geschichte der Nationalökonomie, p, 233 et 577-586.