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jurisprudence criminelle a fait depuis un tiers de siècle, tant en France qu’en Allemagne, l’objet de recherches approfondies et d’études comparatives intéressantes. J’aurai recours à ces divers travaux, entre lesquels je dois surtout citer les ouvrages de M. Albert Du Boys et le livre de M. Jules Loiseleur. J’ajouterai aux nombreux renseignemens que j’y ai puisés les résultats de quelques-unes de mes investigations personnelles, soit dans nos anciens auteurs, soit dans les archives de nos vieilles cours de justice. Le tableau que j’essaierai de composer ainsi ne montrera pas seulement comment nos ancêtres entendaient la protection et la défense de la vie et des biens des citoyens ; il donnera la mesure du sens moral dans l’ancienne société, de la façon dont on y comprenait les droits du gouvernement, et mettra en relief la situation respective des diverses classes qui composaient jadis le corps social.


I

Les nations de l’Europe, que les Romains appelaient barbares, avaient chacune à l’époque qui marque l’avènement du moyen âge leurs coutumes particulières en matière de justice criminelle ; mais il existait entre les modes de procédure et les règles de pénalité que la tradition consacrait chez elles bien des traits communs. Plus il y avait d’affinité de race et d’origine entre ces nations respectives, plus leurs lois pénales présentaient d’analogie. L’influence qu’exercèrent sur ces législations le droit canon et le droit romain eut pour effet de les rapprocher encore davantage ; elles s’uniformisèrent sur certains points. La majeure partie des peuples de l’Europe finit, au sortir du moyen âge, par avoir une législation criminelle fondée sur les mêmes principes et pénétrée du même esprit. La similitude du système pénal dans les pays qui étaient à cette époque les plus avancés s’explique facilement par la similitude de leur état social. Les lois pénales sont dans une dépendance inévitable de l’organisation politique et des lois civiles. Le régime féodal ayant prévalu dans toute l’Europe, il en résulta que les institutions judiciaires y prirent presque partout la même physionomie ; puis, quand la monarchie absolue tendit à se substituer à la féodalité, elle s’appuya pour l’affaiblir sur la législation des empereurs romains. Le pouvoir séculier, en vue de restreindre l’intervention de l’église dont la juridiction s’était étendue avec la puissance morale, en vue de détruire ou de limiter la juridiction des seigneurs, fit appel aux doctrines des jurisconsultes de l’antiquité, et l’influence du droit romain, qui n’avait jamais entièrement cessé dans certaines contrées de l’Europe, même en plein règne des lois barbares, aida