Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en certaines contrées, ils continuèrent pendant un laps de temps de siéger à côté des rachimbourgs. Il y avait là le germe d’une justice royale et applicable à tous les sujets, telle qu’elle devait apparaître six ou sept siècles plus tard ; mais l’affaiblissement de la royauté, l’extension de la féodalité, obligèrent de revenir au mode de justice adopté sous les premiers rois francs : le monarque ne pouvant plus imposer aux parties ses scabins, celles-ci prirent pour juges de leurs querelles, de leurs contestations, les hommes de leur condition ; les pairs jouèrent le même rôle que les rachimbourgs sous la première race. Les barons, les vassaux se réunirent sous la présidence du seigneur suzerain ou de l’officier qui le représentait pour prononcer sur les procès. Le seigneur s’entoura des hommes de fief pour rendre justice aux hommes libres de sa terre, et les bourgeois ou habitans des villes constituèrent des juridictions municipales fondées sur le même principe.

C’était devant un tel tribunal que l’offensé, que la famille du lésé ou de la victime venait porter son accusation. Le crime ou le délit ne se distinguait pas de toute autre espèce de tort fait à autrui : celui auquel il avait porté préjudice en demandait la réparation, et le tribunal, appliquant les principes consacrés par la coutume, rendait la sentence ; mais une telle justice laissa subsister le droit du plus fort, auquel on revenait bien souvent quand les parties, assez puissantes pour s’affranchir de l’autorité du magistrat, n’acceptaient pas un tel jury, quand elles se croyaient en mesure de vider elles-mêmes leur querelle. Entre cette foule de maîtres qui se partageaient notre sol et dont la subordination fut loin d’être toujours clairement établie, les contestations, les revendications se faisaient sans cesse les armes à la main, surtout quand la suzeraineté était incertaine ou déniée. Lorsque le tribunal lui-même, accepté par les parties, ne se trouvait pas en état de prononcer, il laissait celles-ci recourir au combat et se bornait à proclamer le fondé du droit du vainqueur. Déjà sous la seconde race, c’est ainsi qu’on prononçait en matière d’accusations de lèse-majesté. Les guerres privées, les luttes d’homme à homme, qui avaient existé chez les anciens Germains comme chez tous les barbares et qui n’avaient point totalement disparu sous le régime que les Francs, maîtres de notre sol, se donnèrent à l’instar des Latins, redevinrent, avec la féodalité, habituelles entre barons, entre chevaliers. Chacun était enclin à venger au péril de sa vie sa propre injure ou celle des siens. L’antique coutume germanique en faisait un devoir, et l’on se conformait encore à cette idée. Poursuivre un crime, un délit, c’était venger les siens ou se venger soi-même, et la notion du droit répressif de la société, de l’état, sur les individus n’apparaissait que. lorsqu’il