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au lieu d’un système pénal qui en était emprunté, on adopta une jurisprudence née de la combinaison de ces coutumes avec les préceptes du droit romain impérial, introduits par les juristes dont les plus célèbres florissaient aux écoles d’Orléans, de Toulouse et de Montpellier, avec certaines pratiques du droit canonique que les clercs, les prélats, appelés souvent dans les cours et les conseils, avaient apportées.

La jurisprudence criminelle ne fut certes pas uniforme dans toutes les parties du royaume, mais elle s’offrit au XIVe et au XVe siècle avec un caractère assez différent de ce qu’elle était sous les deux premières races et sous les premiers Capétiens. Tout en conservant pour chaque province un cachet propre, elle tendit à s’uniformiser : partout on y vit prévaloir le principe de la défense de l’état et de la protection de la société sur celui de la vindicte personnelle, de la poursuite dirigée contre le crime uniquement au profit de l’offensé, de la victime, de ses héritiers ou de ses ayans cause ; mais, comme la transformation de la législation criminelle fut graduelle, on retrouva pendant longtemps et sur bien des points jusqu’à la fin de l’ancienne monarchie des traces du régime féodal et même des lois barbares.

La royauté s’efforçait d’imposer sa justice directe à tous les habitans du royaume ; elle ne donnait pas pour cela à ceux-ci égalité de juridiction et de pénalité. L’ancien principe que chacun doit être jugé par ses pairs aboutit, quand le jugement par les pairs eut disparu, à faire comparaître les prévenus par-devant des tribunaux différant suivant leur condition respective. Le noble et le gentilhomme continua de ne pas relever de la juridiction du prévôt ; les hommes de la suite du roi eurent leur prévôté particulière et spéciale : la prévôté de l’Hôtel ; le clerc releva des tribunaux ecclésiastiques.

Au temps des barbares et sous le gouvernement des Francs, le châtiment avait varié suivant le rang du coupable : cette inégalité persista ; mais au lieu de la pénalité soit par rachat du sang, soit par le talion, soit par quelque supplice symbolique, les juges mesurèrent la peine, demeurée toujours sévère et même cruelle, à la gravité du délit social et à la condition du coupable. En même temps, la procédure criminelle subit des changemens notables. En vue d’arriver à une constatation plus exacte du crime, d’assurer une répression plus efficace, le juge s’entoura d’une multitude de formalités et de règles ignorées à l’époque purement féodale, alors que les jugemens étaient plus expéditifs, qu’il n’y avait pas toute une armée d’hommes de loi au service des tribunaux. On ajouta aux élémens d’information fournis auparavant presque uniquement