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la juridiction criminelle ou de la juridiction civile. Procéder ainsi, c’est-à-dire constater le crime avant de s’en prendre au criminel lui-même, suivant la méthode adoptée par le droit canonique, c’était placer l’accusé dans la position la plus défavorable. Le juge ou plutôt les juges, car le jugement qui prononçait le règlement à l’extraordinaire devait être rendu par plusieurs (trois juges quand il était à charge d’appel, sept quand il était en dernier ressort), décidaient d’un fait pouvant entraîner, pour l’accusé, les conséquences les plus graves sans que celui-ci pût produire convenablement ses moyens de défense. Durant cette enquête, il n’avait pas été à même de s’entendre avec un défenseur, avec un conseil, un avocat, pour combattre les motifs qui devaient le faire ranger parmi les coupables exposés à subir les peines les plus redoutables. Il était alors livré à ses seules inspirations, et le trouble, la peur auxquels il était d’ordinaire en proie pouvaient fournir contre lui de fausses apparences. Tout au plus le juge tolérait-il, s’il ne s’agissait pas d’un grand crime, que le prévenu reçût un conseil dans sa prison ; mais l’ordonnance de 1670 refusa cette faveur aux accusés de crimes capitaux. Il semblait que plus l’accusation avait de gravité, moins on accordait de garanties à l’accusé.

Le cercle de fer dont l’entourait en quelque sorte la série d’interrogatoires qu’il avait subis allait, comme le dit judicieusement M. A. Du Boys, en se resserrant de plus en plus, et quand enfin, lors de la procédure finale, l’accusé comparaissait devant le tribunal, il y était déjà traité comme un criminel et se trouvait en face de gens aux trois quarts persuadés de sa culpabilité, et souvent même parmi eux était celui qui avait fait l’instruction. On accorda, il est vrai, à l’accusé le droit de récusation, mais ces récusations devaient être légalement motivées, et elles étaient rarement admises par le tribunal. Le procès criminel avait toujours un certain caractère de huis-clos, car nulle personne étrangère à l’affaire ne devait s’introduire dans l’enceinte judiciaire. On se relâcha pourtant au XVIIIe siècle de l’observation de cette prescription. L’accusé était amené comme un coupable et soumis comme tel à un traitement aussi dur qu’humiliant. Était-il prévenu d’un crime entraînant une peine afflictive, il était mis sur la sellette, siège de bois qui, par son incommodité, la gêne, la souffrance même qu’il causait, était déjà presque un supplice. Cependant, en présence du redoutable tribunal, l’accusé n’avait pas perdu tout espoir. S’il n’avait pas encore présenté de requête, il pouvait alléguer des faits justificatifs et demander la production de pièces nouvelles. Les juges gardaient toutefois la faculté de rejeter les moyens qui ne leur paraissaient pas pertinens, et il n’y avait d’enquête que sur les pièces ou les faits désignés dans la sentence interlocutoire. L’accusé