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solide que jamais du droit et du fait de la propriété individuelle. Bien loin que la révolution française puisse être considérée comme ayant, dans ses grandes réformes, violé le principe de la propriété, c’est à elle au contraire que l’on doit la confirmation la plus ferme de ce principe comme inviolable et sacré : c’est là surtout qu’est notre plus sûre garantie contre les chimères du socialisme. Ce n’est donc pas, comme on fait d’ordinaire, l’expérience des siècles qu’il faut invoquer contre ces chimères : elle ne leur serait au contraire que trop favorable, car l’ancien régime n’est que l’histoire des usurpations constantes du pouvoir contre la propriété, et ce que la révolution a fait dans ce sens lui vient de l’ancien régime. Ce qui lui est propre au contraire est ce qui nous défend le mieux et le plus sûrement contre les utopies spoliatrices ; ce sont les principes mêmes de 89 : c’est à ces principes que nous devons les fortes attaches de notre société au droit de propriété individuelle. Ceux qui, pour détruire le socialisme, veulent réagir contre la révolution ne font que porter l’eau à la rivière, en faisant du socialisme à rebours. L’arme la plus forte contre le socialisme, c’est la propriété individuelle. Or nulle part, dans aucun temps ni dans aucun pays, elle n’a été plus fermement revendiquée et plus fortement garantie que par la révolution.

Nous voudrions nous rendre compte de la conception que la révolution française s’est faite de la propriété, surtout dans l’assemblés constituante, qui seule en ces matières a laissé quelque chose de stable et de persistant. Il ne faut pas confondre les mesures révolutionnaires avec les institutions de la révolution : les unes sont des actes transitoires, les autres des lois fondamentales ; ce sont ces lois seules qui constituent ce que l’on peut appeler l’esprit de la révolution. N’étant pas jurisconsulte, nous n’avons pas la prétention de faire l’histoire de la législation civile pendant cette période : nous renvoyons sur ce point aux ouvrages spéciaux. Ce que nous voulons surtout étudier, ce sont les principes qui ont guidé les législateurs ; c’est leur philosophie de la propriété.

La révolution française a touché à la propriété dans trois circonstances mémorables. Elle a touché à la propriété individuelle par l’abolition des droits féodaux, — à la propriété dans la famille par les lois successorales, — enfin à la propriété de corporation par l’aliénation des biens ecclésiastiques. Quels ont été, dans ces trois grandes circonstances, les principes invoqués de part et d’autre par les partisans ou les adversaires de ces grandes mesures ?