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droit dans la vieille injustice féodale, et que même sans droit, la possession de fait est encore quelque chose de respectable ! Il est bien à regretter sans doute que des raisons si sages n’aient pas pu être comprises, et que le peuple de 1789 n’ait pas eu l’expérience des vieux politiques. Malheureusement il est des temps où les difficultés ne peuvent plus être dénouées, et ne peuvent plus être que tranchées, et c’est précisément ce qu’on appelle des révolutions.

Quoi qu’il en soit des mesures qui ont amené l’état de choses où nous vivons, ce qui ne peut être douteux pour personne, c’est la supériorité de l’état actuel sur l’état passé. Il faut avoir devant les yeux l’artificiel et gothique échafaudage de ces droits féodaux entés les uns sur les autres, cette hiérarchie de propriétaires enchaînés et étages, pour bien comprendre la portée et les bienfaits de cet article de notre code civil, qui n’a l’air de rien, et qui est le produit le plus net de la révolution française : « les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent. » Une révolution dont la principale conquête a été la libre propriété n’a rien à craindre des entreprises soi-disant avancées et au fond absolument rétrogrades contre la propriété.


II

La révolution ne s’est pas contentée de toucher aux revenus des propriétaires par l’abolition des droits féodaux ; elle s’est approprié les fonds par la confiscation des biens d’émigrés et par l’aliénation des biens ecclésiastiques. Ces deux mesures sont d’une nature très différente, et nous n’avons à insister que sur la seconde, qui seule se rattache à la question de la propriété. En effet, la confiscation était une loi de l’ancien régime : c’était un droit qui appartenait au souverain. Elle a été abolie plus tard sous l’influence même des principes généreux de la révolution ; mais, dans les premiers temps, elle a été pour la révolution une arme de guerre. C’est une mesure de combat qui ne constitue pas un principe, et que nous n’avons pas par conséquent à apprécier. D’ailleurs la question des émigrés a été liquidée par l’indemnité du milliard. La confiscation de leurs biens n’est donc plus qu’un incident historique, et non un acte de révolution sociale. Il n’en est pas de même de la vente des biens du clergé. La révolution a eu dans cette question une véritable théorie ; cette théorie a consacré un changement dont les conséquences durent encore, à savoir la transformation d’un clergé propriétaire en un clergé salarié. Quelle a été cette théorie ? C’est ce que nous avons à étudier.

N’oublions pas que primitivement la vente des biens