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toute sorte de voies les desseins du cardinal de Retz, et de croire comme un article de foi que, nonobstant toutes les belles choses qu’il fera, et les protestations de sa passion au service de la reine, et de vouloir me servir sincèrement, il n’a rien de bon dans l’âme, ni pour l’état, ni pour la reine, ni pour moi. il faut donc bien garder les dehors et empêcher qu’il ne s’introduise à la cour et ne puisse jouer le personnage de serviteur du roi bien intentionné, car il est incapable de l’être jamais en effet. Vous n’aurez pas grand’peine avec la reine sur ce sujet, car elle le connaît trop bien pour s’y fier jamais[1]… »

De ce voyage, sur lequel il avait fondé de si grandes espérances, Retz ne rapporta donc que de vaines paroles. On n’avait tenu aucun compte de ses ouvertures. Ainsi tous ses beaux projets s’en allèrent en fumée, et pendant quelques mois, suivant son expression, il fut obligé « de brousser à l’aveugle. » Pendant qu’il s’épuisait en vains efforts, une immense lassitude régnait dans Paris ; la fronde était usée et les frondeurs tombés dans le dernier discrédit ; la bourgeoisie et le peuple n’aspiraient plus qu’au repos. Les criminels massacres de l’Hôtel de Ville, ordonnés, selon toute apparence, par M. le prince, qui voulait dominer Paris par la terreur, y avaient produit un effet tout contraire. Au premier moment de stupeur et d’épouvante avait succédé une indignation générale.

Les plus notables bourgeois de Paris se réunirent au Palais-Royal ; rompant la paille placée à leur chapeau, signe de ralliement de la fronde, ils la remplacèrent par des morceaux de papier et demandèrent à grands cris que le roi rentrât dans sa bonne ville de Paris, malgré l’opposition du prince de Condé et du duc d’Orléans. « La paille est rompue, s’écrièrent-ils, point de princes ; vive le roi, notre seul souverain ![2] »

Retz essaya de se mettre à la tête du mouvement, mais à l’instigation de l’abbé Fouquet, qui avait secrètement travaillé les bourgeois, il fut repoussé par les têtes de papier. Pour se venger de ce mécompte, il a prétendu dans ses Mémoires que ceux qui prirent du papier, le 24 septembre (1652), furent « hués comme on hue les masques. » Ainsi éconduit par la cour et renié par les anciens frondeurs, il courut s’enfermer dans son archevêché, qu’il transforma en place de guerre. Il le bourra du haut en bas de mousquets, de poudre et de grenades, il l’emplit d’hommes de main et d’exécution, et se mit en état de défense, bien résolu à y soutenir un siège en

  1. 6 septembre 1652.
  2. Journal de Dubuisson-Aubenay, 24 sept. ; Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, du père Berthod, de Retz, de Guy Joly, etc., et Chéruel, Journal général de l’instruction publique, 16 nov. 1861.