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devait être brisée à coups de hache. César avait alors cinquante ans. Il paya d’exemple en marchant à pied, tête nue, malgré sa calvitie, en avant de ses colonnes. Après des efforts inouïs, les Romains virent enfin s’étendre à leurs pieds la vallée de l’Allier, et s’y précipitèrent. Les Arvernes épouvantés rappelèrent en hâte Vercingétorix, qui, à son grand regret, dut quitter les environs d’Avaricum. Les Éduens, à la prière du parti romain chez les Bituriges, avaient dirigé des forces vers ce pays pour balancer la pression de Vercingétorix ; mais ces troupes éduennes, autant du moins qu’on peut en juger par le récit ambigu de César, ne marchèrent qu’à contre-cœur, revinrent chez elles, sous prétexte qu’elles redoutaient une trahison des Bituriges, et ceux-ci se prononcèrent pour la cause nationale. Vercingétorix, de ce côté, avait eu gain de cause. Par son retour en Auvergne, il mettait Gergovie à l’abri d’un coup de main, mais il lui fallait improviser un nouveau plan.

César en effet avait réussi à traverser incognito, à la tête d’une petite troupe de cavalerie, le Lyonnais actuel, et avait rallié la cavalerie romaine campée à Vienne. De là il se porta, toujours en déguisant sa marche rapide, à travers le territoire éduen chez les Lingons (Langres), où il trouva deux légions. Quelques jours après, il opérait sa jonction avec Labienus à Agedincum (Sens). Ses dix légions se trouvaient de nouveau concentrées avec une rapidité qui tenait du prodige. Vercingétorix redescendit alors la vallée de la Loire et mit le siège devant une Gergovie des Boïens, qui dépendait des Éduens et qui tenait pour les Romains. Cette manœuvre forçait César à prendre immédiatement l’offensive, s’il ne voulait pas que les Éduens eux-mêmes fissent défection. Vercingétorix comptait sur les difficultés qui allaient assaillir son terrible adversaire, contraint de guerroyer en plein hiver. Le moment des résolutions héroïques était arrivé.

Il comprenait à merveille qu’en bataille rangée l’armée romaine l’emporterait toujours sur les bandes inexpérimentées qu’il commandait. Après tant de désastres, la jactance n’était plus de saison. Il s’en ouvrit avec franchise à ses compatriotes. « Il faut faire la guerre, leur dit-il, d’une tout autre manière que nous ne l’avons faite jusqu’à présent. A tout prix, il faut empêcher les Romains de se ravitailler. Cela nous sera facile, car nous avons une cavalerie nombreuse, et la saison nous aide, ils ne peuvent en ce moment fourrager. Il faut qu’ils se dispersent à la recherche des maisons isolées, et notre cavalerie les détruira en détail. Mais de plus il faut sacrifier au bien public les intérêts privés, brûler les villages et les maisons dans un vaste rayon autour de la forteresse boïenne, partout où l’ennemi pourrait trouver des vivres. Nous-mêmes n’en manquerons pas, les cantons aux frontières desquels nous