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étaient entourés de plus de considération, étaient revêtus de plus d’autorité. La législation, criminelle contemporaine reste fidèle à ce principe en punissant plus le parricide que l’homicide ordinaire. Jadis, se rendre coupable d’un crime envers la personne de son maître, d’un prêtre, d’un prince et surtout du roi, c’était mériter un châtiment bien autrement sévère que celui que pouvait entraîner le même crime à l’égard d’un homme du commun.


II

Les habitudes judiciaires que je viens de passer en revue eurent pour conséquence de faire adopter une sorte d’échelle de pénalités répondant aux divers degrés de culpabilité, tels que les concevait le préjugé du temps. Cette échelle n’avait pas du reste cessé d’être admise, mais elle se modifia et se compliqua dans le cours des siècles. De bonne heure, les légistes distinguèrent deux grandes catégories de méfaits, les délits et les crimes. On institua pour les punir des châtimens d’ordre différent. De même, entre les crimes, on établit des divisions qui en marquaient le degré de gravité. On distingua les peines capitales, les peines corporelles afflictives et infamantes, les peines afflictives non corporelles mais infamantes, et les peines purement infamantes. Je ne déroulerai pas ici la longue et horrible liste de châtimens que comprenaient ces divisions, et dont le seul exposé remplirait un volume ; je m’arrêterai simplement à quelques-uns d’entre eux qui me fourniront l’occasion de caractériser l’esprit de l’ancienne pénalité.

Ce que j’ai dit précédemment fait comprendre pourquoi la peine de mort était singulièrement prodiguée. A force de vouloir effrayer le malfaiteur, on en était presque revenu à l’impitoyable dureté du code de Dracon et de la loi des douze tables. La coutume, qui était dans le principe la règle constante du juge, introduisit une pénalité de plus en plus rigoureuse et fit prononcer la peine de mort contre le meurtre ou homicide avec guet-apens et préméditation, contre l’homicide simple, le rapt, le vol domestique, la banqueroute frauduleuse, et souvent avant le XVIIe siècle contre le faux témoignage[1], l’adultère de l’homme, l’inceste, la bigamie, l’attentat aux mœurs ; il était en outre des catégories entières d’attentats qui, bien que de gravités fort différentes, exposaient à subir le dernier supplice. Au premier rang des crimes qui emportaient la peine capitale se plaçait le crime de lèse-majesté.

  1. On condamna encore à être pendu pour faux témoignage au siècle dernier. L’avocat Barbier, rapportant une de ces condamnations arrivée en 1755 et qui avait étonné, dit : « Cela est rare, et cette exécution, qui a été sérieuse, apprendra à ne point se mêler d’affaires qu’on ne connaît pas sur des mauvais conseils. »