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ne cessa depuis le XVIe siècle de redoubler à cet égard de vigilance et de rigueur. Le développement du commerce et de l’industrie qui marqua les règnes de Louis XII et de François Ier faisaient une nécessité plus impérieuse de la sûreté des chemins et des voies publiques. On voulut purger le pays des malfaiteurs qui pullulaient, et pour les effrayer on recourut à de nouveaux châtimens. Une ordonnance rendue à l’instigation du chancelier Antoine du Bourg établit la peine de la roue, empruntée à la pénalité usitée en Allemagne, contrée où la brutalité des mœurs avait fait introduire d’atroces supplices. Cette peine fut édictée contre les auteurs d’attaques à main armée et de guet-apens, et depuis cette époque on les y condamna très fréquemment.

On ne se borna pas à infliger le supplice de la roue à des malfaiteurs de profession, on l’appliqua à de simples voleurs, et on alla quelquefois jusqu’à condamner à être rompus vifs des malheureux qui de notre temps n’auraient été guère justiciables que de la police correctionnelle. Le 11 octobre 1629, Louis XIII étant à Fontainebleau, un pauvre diable réduit aux plus fâcheux expédiens imagina de se blesser à la poitrine dans un des corridors du château. Il prétendit avoir reçu un coup de pistolet en essayant d’arrêter un homme qu’il savait résolu à attenter aux jours du roi et qui malgré ses efforts avait pris la fuite. La fourberie ayant été aisément reconnue, le coupable fut puni du supplice de la roue. Au siècle suivant, en 1731, on voit la chambre de la tournelle du parlement condamner à être roué un individu qu’un juif hollandais avait envoyé à Paris pour donner des coups de bâton à un rival. On prodigua moins injustement ce supplice dans les temps où il s’agissait de mettre un terme aux entreprises des malfaiteurs qui prenaient parfois des proportions effrayantes. C’est ce qui arriva sous la régence lors des exploits des bandes de Cartouche, scélérat devenu légendaire, et de Pélissier, qui se faisait appeler le marquis de Pélissier, et tenait grand train de maison à Lyon, d’où il dirigeait les arrestations. Près de cinq cents accusés furent écroués au Châtelet. On rouait et pendait presque tous les jours à la place de Grève ; mais on avait beau rompre les membres des voleurs et des assassins, les crimes n’en recommençaient qu’avec plus d’audace. La population, affolée par ces attentats journaliers, courait à l’exécution de ces malfaiteurs et prenait un sanguinaire plaisir à les voir expirer dans les tourmens. Tout atroce que fût un tel genre de supplice, il n’entraînait pas toujours la mort du patient, et le bourreau devait, pour mettre un terme aux tourmens, donner dans la poitrine le coup de grâce. Mathieu Marais, parlant d’un complice de Pélissier, qu’on avait arrêté en Dauphiné et ramené à Paris, écrivait :