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galerie primitivement destinée au service des travaux et à l’aérage des chantiers. Sur ce point encore, les Romains n’ont pas plaint le travail ; ces énergiques ouvriers ont pratiqué sur le flanc de la montagne et en s’enfonçant dans la roche trois ouvertures superposées en forme de voûte, qui s’inclinent doucement l’une vers l’autre, et atteignent finalement, mais à une assez grande profondeur, la galerie inclinée. Au moment où nous descendions par cette route oblique vers l’intérieur du tunnel, une femme descendait aussi, un vase à la main, pour aller puiser l’eau d’une source précieuse qui se trouve à mi-chemin vers la gauche dans le cunicolo, et qui a la réputation de faire venir le lait aux accouchées qui en manquent. Non-seulement elles boivent cette eau, mais elles portent sur elles quelque petite pierre enlevée du fond de la source, ou bien elles y déposent quelque caillou et souvent des pièces de monnaie en manière d’ex-voto. Cet usage et cette croyance séculaires paraissent se relier à un souvenir de vénération pour les chrétiens persécutés qui auraient été enfermés dans ces souterrains et nourris par cette eau miraculeuse. Febonio, l’historien des Marses, qui écrit dans le dernier tiers du XVIIe siècle, mentionne comme visibles de son temps un autel à Dieu le père et des peintures représentant la trinité, autel et peintures consacrés vers l’entrée, ce semble, du cunicolo maggiore, par ces premiers chrétiens. On n’en a rien retrouvé aujourd’hui ; tout cela prouve cependant que la fréquentation de ces lieux avait été pendant un certain temps populaire, alors sans doute qu’une partie des rives du lac Fucin, rendue naguère à l’agriculture, appelait les riverains à une activité nouvelle.

Jusqu’au temps de Frédéric II de Souabe, devenu roi de Naples, nous ne trouvons aucun renseignement sur le lac Fucin. Vers 1240, ce souverain puissant, qui a rempli l’Italie méridionale de ses monumens et de son souvenir, entreprit une restauration de l’émissaire de Claude, mais si inexpérimentée et si peu intelligente, au témoignage de ceux qui en ont retrouvé les traces, qu’à leur avis elle dut rester tout à fait inutile. À ses ouvriers on impute la barbarie d’avoir employé en guise de matériaux, après les avoir brisés, les bas-reliefs romains retrouvés pendant les travaux modernes. Peut-être, dans la première moitié du XVe siècle, le roi Alphonse Ier d’Aragon fit-il une tentative, qui en tout cas demeura sans résultats. Le célèbre architecte de Sixte-Quint, Fontana, y fut vainement employé en 1600 ; une crue du lac empêcha ou ruina ses travaux. Des dispositions qui paraissaient sérieuses, et qu’avaient suscitées, à la fin du XVIIIe siècle, de nouveaux dangers, furent arrêtées par les événemens politiques. Cependant la terrible crue qui eut son maximum en 1816 remplit la contrée de misère et de deuil. Ce