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n’étaient plus seulement les terres riveraines qui étaient submergées, les bourgs et villages étaient envahis, les maisons s’effondraient, la famine menaçait. Ce fut une crise salutaire qui hâta l’issue tant désirée ; il y fallut toutefois bien des années encore, pendant lesquelles parurent les publications d’un habile ingénieur napolitain, Afan de Rivera. En homme de science pratique et de bon sens, il rompait avec toute une école de prétendus érudits qui n’étudiaient guère la question du Fucin que dans les textes peu nombreux et peu clairs de Pline l’ancien, de Suétone, de Tacite et de Dion Cassius. Après avoir inspiré confiance par ses travaux préparatoires au gouvernement napolitain et à l’opinion publique, il obtint les fonds nécessaires pour déblayer, de 1826 à 1835, le tunnel construit par Claude. Ce n’était à ses yeux que la moitié de la tâche : il comptait faire adopter un projet suivant lequel, en remaniant les constructions de l’incile, on obtiendrait de dessécher la moitié du lac. Pendant qu’on hésitait, Rivera mourut, vers 1845 ; le lac, sorti encore une fois de ses limites, pénétra dans l’émissaire, dans lequel l’ingénieur, s’attendant à être chargé d’un travail d’ensemble et définitif, n’avait établi ça et là que des boisages sans maçonnerie. Ces ouvrages provisoires furent ruinés par les eaux, et l’émissaire se trouva dans un état pire que celui qu’avait créé le long abandon du moyen âge. La contrée se voyait menacée en 1851 des mêmes périls qu’en 1816. Enfin une société se forma pour entreprendre à ses risques et périls l’entier dessèchement du lac, à la condition de devenir propriétaire d’une grande partie du sol reconquis. Cette société avait-elle bien calculé quelles seraient les dépenses d’un si grand travail ? Rien de moins probable ; il devint bientôt évident qu’elle ne suffirait pas à la tâche. Heureusement le prince Torlonia, qui s’était inscrit pour la moitié du capital social, avait fait de son côté ses calculs. Voyant fort mal engagée une affaire où intervenaient les plus grands intérêts publics et privés, il prit hardiment son parti, racheta les actions qui représentaient la seconde moitié du capital social, et à partir de ce jour conduisit sans interruption vers le succès une entreprise que, pendant une longue série de siècles, les divers gouvernemens avaient vainement tentée.


II

Un complet examen des conditions dans lesquelles était placé le lac Fucin devait conduire la science moderne à en vouloir accomplir le complet dessèchement. Le lac Fucin était ce qu’on appelle un lac fermé, c’est-à-dire qu’il ne perdait par aucune ouverture rien de ses eaux ; tout au plus trouvait-on vers la côte nord-ouest, entre des bancs de calcaire disjoints, quelques absorbans, qui