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en Italie l’exemple de la discipline, du courage, du dévoûment. Ces premiers obstacles n’étaient rien d’ailleurs en comparaison de ceux qu’on allait devoir affronter.

Quelques chiffres donneront seuls une exacte idée de ce qu’on voulait accomplir. L’extrême fond du lac se trouvait à la cote 14m,85, c’est-à-dire qu’il était plus élevé de cette quantité qu’une ligne imaginaire zéro, tirée à partir d’un point convenu situé lui-même à 2m,64 au-dessous du radier romain à l’embouchure vers le Liri, On arrêta que le radier du tunnel reconstruit serait, en tête de la galerie, à 7m,83. C’était le placer 3m,25 plus bas que celui de l’émissaire romain, qui était à 11 mètres. La différence de niveau résultant de la entre le fond du lac et la galerie nouvelle était jugée nécessaire pour obtenir l’entier dessèchement. Du côté de l’embouchure, le nouveau radier était fixé à 1m,83, c’est-à-dire à 80 centimètres plus bas que l’ancien radier romain. Entre ces points extrêmes, sur une étendue de près de 6 kilomètres, on voulait, en se servant de l’antique galerie, en abaisser uniformément le radier, en régulariser les pentes, en rendre la section partout égale, la munir d’une forte maçonnerie et de pierres de taille, en un mot la refaire tout entière.

On commença d’opérer par l’embouchure ; mais bientôt que de difficultés, que de dangers, que d’obstacles rebutans ! Si encore on eût abordé l’émissaire romain tel qu’il était au commencement de ce siècle, lorsque depuis de longues années nul n’y avait tenté aucune sorte de travaux, on eût rencontré des éboulemens sans doute, mais tassés par le temps, et au milieu desquels on se serait peut-être aisément frayé un passage ; mais le déblaiement opéré par Rivera de 1824 à 1835, et non suivi d’une reconstruction sur laquelle il comptait, avait tout gâté. Ses imparfaits boisages, trempés par les infiltrations d’une crue, s’étaient promptement pourris et écroulés avec des parties de terre et de vieille maçonnerie qu’ils soutenaient, de sorte que vingt ans après lui on ne trouvait plus dans certains tronçons de l’émissaire que des ruines indicibles, une boue infecte, une argile crasse ne se détachant qu’avec peine, des écartemens de terre ou de bancs rocheux par où l’eau coulait ou même jaillissait en abondance, de grosses pierres prêtes à s’échapper des voûtes, cela dans une galerie telle que nous l’avons décrite, réduite dès la construction primitive à n’avoir pas le tiers de son ouverture normale, à n’être qu’une espèce de trou informe. C’était au milieu d’un tel chaos, à 100 mètres sous terre, qu’il fallait déblayer, mettre, en place madriers et pierres de taille, maçonner et même faire agir la poudre, au risque de périr sous la voûte écroulée.

Il y eut des épisodes terribles dont il fallut triompher, non pas seulement par les promptes ressources, par les rapides inventions