Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/906

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jurèrent obéissance, moyennant reconnaissance et confirmation de leurs anciens fueros. Un peu plus tard, doña Juana Manuel, épouse du roi de Castille Henri II, laissée héritière du señorio de Vizcaye, le transmit à son fils premier né, don Juan, qui le garda quelque temps comme prince, puis, devenu roi, l’incorpora définitivement à la couronne. C’est donc par héritage et non plus par décision volontaire des habitans que s’accomplit cette union ; mais il ne faut pas oublier que, malgré le droit de succession généralement admis dans le señorio, les Vizcayens conservèrent toujours la liberté de changer leur seigneur ; que toujours les rois de Castille, à commencer par Juan Ier, furent tenus de jurer la conservation des fueros ; que ces mêmes souverains, à côté de leur titre de rois de Castille, mettaient celui de seigneurs de Vizcaye, comme pour bien marquer la différence entre leurs pouvoirs. Une foule de documens attestent que les trois provinces furent toujours considérées par eux comme formant un état séparé ; même les corps politiques reconnurent cette distinction, et quand en 1506 la Vizcaye et le Guipuzcoa voulurent faire admettre leurs représentans aux cortès de Burgos, celles-ci protestèrent énergiquement. Ce n’est pas tout : longtemps après l’annexion, on voit les Basques signer en leur nom des traités internationaux avec les puissances étrangères ; il en est un, conclu en Angleterre entre le roi Edouard IV et la province de Guipuzcoa, où les deux parties se jurent trêve et amitié pour dix ans durant lesquels elles auront mutuellement liberté de commerce et de communications ; la paix d’Utrecht réserve aux Vizcayens et aux Guipuzcoans des privilèges de pêche ; enfin pendant les guerres du XVIIIe siècle entre l’Espagne et la France, la Vizcaye et le Guipuzcoa célèbrent des traités de paix et de commerce avec la province française de Labourd, sans intervention du gouvernement espagnol. En faut-il davantage pour démontrer l’entière indépendance et l’autonomie absolue au pays basque avant comme après sa réunion à la Castille ?

Et maintenant quelles sont au propre ces lois particulières, ces fueros auxquels les Basques se montrent si attachés et que les rois leur confirment d’une façon si expresse ? Dans la langue du moyen âge, le mot a beaucoup d’extension et sert à désigner en général tout ce qui, à divers titres, peut revêtir force de loi et constitue le droit civil, politique et administratif d’une nation. Ici, plus précisément, les pactes primitifs conclus entre le seigneur et ceux qui l’avaient élu, des décisions conformes aux anciens usages et aux coutumes nées elles-mêmes des besoins et des conditions du pays, furent l’origine des fueros. Le plus ancien cahier de lois manuscrit date en Vizcaye de 1452 ; il fut rédigé à la demande de