Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/950

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se couchera pas sans éclairer le triomphe du droit et de la justice ! » C’était fort poétique pour la circonstance ; maintenant le brouillard est dissipé, la bataille est livrée, à qui reste la victoire ? Qu’entend-on par la justice et le droit ? voilà toute la question.

Maintenant donc que la poussière de la batailla va tomber, que la France a répondu à l’appel qui lui a été adressé, nous entrons évidemment dans une phase nouvelle, et, quel que soit le vote, la première condition est de le prendre pour ce qu’il est, sans entraînemens ou sans découragemens. Que ce vote invoqué par tous soit nécessairement décisif et fait pour avoir toutes ses conséquences légales, légitimes, ce n’est point douteux. Dès ce moment cependant il est bien clair qu’il ne peut avoir la signification exagérée que les passions contraires lui ont donnée dans le feu du combat. Les exagérations, elles n’ont certes pas manqué depuis quelque temps sous toutes les formes, dans tous les langages, et, si on voulait les écouler, si on cherchait la vérité, une règle de conduite dans tous ces emportemens de parole, on irait loin. C’est le malheur de ces conflits et surtout aussi des circonstances exceptionnelles dans lesquelles la lutte s’est engagée, de pousser tout à l’extrême, de laisser à peine un dernier refuge à la modeste raison, à la raison indépendante.

Que n’a-t-on pas dit dans les deux camps depuis cinq mois, depuis un mois surtout, pour entraîner et fanatiser ou effrayer et tromper ces masses électorales, ces neuf millions de souverains obscurs que le scrutin d’aujourd’hui vient de mettre en mouvement ? De quels moyens ne s’est-on pas servi ? Quels fantômes n’a-t-on pas évoqués ? — votez pour le gouvernement, ont dit les uns, sans cela la France va se réveiller dans le chaos et dans l’anarchie. Les conflits de pouvoirs vont s’éterniser ; la révolution est partout. Vous allez voir la religion persécutée, la propriété menacée, la famille mise en doute, les affaires et les intérêts suspendus, la paix et l’ordre détruits ! La dernière chambre c’est la convention. Avec les 363 c’est le radicalisme qui triomphe, et avec le radicalisme la commune, la ruine et l’incendie ! Hors des candidats du gouvernement point de salut, tout est perdu ! Et de fait M. le ministre de l’intérieur a certainement, agi en homme qui ne veut pas perdre sa cause ou qui se sent en péril ; il n’a reculé devant rien, il n’a négligé aucun des moyens de l’action officielle la plus illimitée, ni l’excès des répressions, ni l’emploi démesuré de tous les ressorts administratifs, ni les intimidations, ni les affiches, ni les violences de langage. Jusqu’au bout il a joué cette dangereuse partie. — votez pour les 363, renvoyez à Versailles la chambre dissoute, ont dit les autres, sans cela il ne reste plus rien. C’est le pouvoir personnel, la dictature, la réaction sans limites, l’esprit de faction dans la majorité et dans le gouvernement ; c’est l’incertitude dans la vie intérieure par une majorité de partis dynastiques prêts à s’entre-déchirer, la paix extérieure en péril, la France