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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/107

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institué la confédération du Rhin. La seule différence, c’est, que la confédération du Rhin, placée en 1806 sous le protectorat de la France, se trouvait placée, dans le système de 1815, sous le protectorat de l’Autriche. À l’action dominatrice du vainqueur d’Austerlitz et d’Iéna avait succédé la domination insinuante du prince de Metternich. Même morcellement d’ailleurs sous une vaine image d’unité.

Cette apparence suffit d’abord à contenter les esprits. La politique de la sainte-alliance avait posé d’autres problèmes : la liberté menacée faisait oublier l’unité compromise. Tant que dura la restauration, on ne songeait qu’aux luttes des cours absolutistes (Russie, Prusse, Autriche) contre l’esprit libéral de toute l’Europe. L’Allemagne en souffrait comme la France. Ce n’était pas le moment pour l’opinion allemande de se reprendre à ses passions antifrançaises.

Voilà pourquoi la révolution de 1830 a été accueillie en Allemagne avec un véritable enthousiasme. Nous parlons, bien entendu, de l’opinion publique et non des gouvernemens. La chute des Bourbons de la branche aînée, l’arrivée au pouvoir du parti qui voulait la monarchie constitutionnelle, les espérances libérales que ce parti faisait naître, non-seulement pour la France, mais pour la société européenne, c’étaient là des victoires dont l’Allemagne se réjouissait dans un vrai sentiment de fraternité sociale. Les vieilles rancunes avaient disparu. Nulle défiance ne se mêlait aux sympathies. Ce n’était pas une explosion des mauvais instincts révolutionnaires qui avait amené la ruine de la vieille monarchie, c’était la juste revendication du droit. La royauté elle-même avait déchiré le contrat qui la liait à la nation. Une révolution ainsi faite, ainsi préoccupée de son but, ainsi arrêtée à point, n’éveillait que des idées de justice. Les Teutomanes les plus soupçonneux étaient obligés de reconnaître que l’esprit de 1830, tant que la France y serait fidèle, ne menaçait point l’indépendance de l’Allemagne. Le travail intérieur de l’unité n’avait rien à en craindre. Telles étaient du moins les premières impressions qui firent taire quelque temps les vieilles défiances germaniques. Qu’est-ce donc qui a dissipé ces pensées amicales nées si noblement d’un élan d’enthousiasme ? Il faut bien le dire, c’est l’année 1840, une des plus tristes années de ce siècle fécond en mauvais jours. Un incident imprévu des affaires d’Orient, perfidement exploité par les haines de lord Palmerston, avait exclu la France du concert des grandes puissances européennes ; les émotions du public français, l’attitude du ministère, ses paroles, ses préparatifs, le langage des journaux, des cris de guerre proférés au hasard, réveillèrent d’un bout de l’Allemagne à l’autre les passions de 1813. On se serait cru aux jours qui précédèrent la bataille de Leipzig. Dès ce moment, les haines allemandes, apaisées depuis un