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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/114

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printemps de 1848 a eu pour cause principale la politique autrichienne de 1814 à 1847. Cette politique, dont le but constant était de faire en sorte que les princes allemands, sous des formes constitutionnelles, pussent toujours gouverner en maîtres absolus, amena, au lieu du résultat désiré, cette décomposition sociale que nous avons vue en Saxe, dans le Wurtemberg, dans le duché de Bade, dans les deux Hesse, et qui aujourd’hui encore oppose le plus sérieux obstacle à tout essai de reconstruction politique de l’Allemagne. »


L’unique pensée de Stockmar, pendant la crise de 1848, a été de faire prévaloir ces idées chez les esprits politiques de l’Allemagne et d’y trouver avec eux la solution du problème. Malheureusement pour lui, la clé de voûte de son édifice, c’était la dynastie des Hohenzollern, et le chef des Hohenzollern, par toute sorte de considérations, se refusait au rôle que lui assignait le patriotisme germanique de ce hardi conseiller. De ces deux rois de Prusse qui depuis trente-trois ans, comme dit Stockmar, se laissaient traîner à la remorque de l’Autriche, le second était précisément celui qui régnait alors, le bon Frédéric-Guillaume IV, âme chrétienne, imagination d’artiste, le plus savant et le plus scrupuleux des souverains. De 1840 à 1848, à l’heure où le désir des libertés constitutionnelles se faisait jour de toutes parts, Frédéric-Guillaume IV rêvait pour la Prusse une sorte de gouvernement féodal avec toute une hiérarchie de castes, seigneurs, bourgeois, paysans, comme aux siècles du moyen âge. Surpris au milieu de ses rêves par les révolutions de 1848, il sentit bien que les appels faits à la Prusse par les fougueux partisans de l’unité allemande lui imposaient des devoirs, de grands devoirs, et en même temps sa conscience lui défendait de se prêter à aucune entremise qui pût porter atteinte aux droits de l’Autriche. Il était religieusement dévoué à la tradition. L’empereur d’Autriche, à ses yeux, était toujours l’empereur d’Allemagne. Se séparer de l’empereur, méconnaître ou diminuer la suprématie de l’empereur, c’eût été pour lui un attentat à l’ordre d’en haut, une impiété révolutionnaire.

Comment concilier ces principes avec les paroles que lui arracha la révolution dans une heure de suprême péril ? Le 18 mars 1848, l’émeute victorieuse dans les rues de Berlin envahit la cour du palais et traîna sous les fenêtres du roi les cadavres des victimes. Quelles que fussent ses songeries politiques, le roi était brave autant que généreux ; il parut à la fenêtre, descendit dans la cour, se découvrit devant les morts, et, avec cette éloquence cordiale ou se révélait une âme candide, il triompha bientôt de la fureur populaire. « Je serai le roi allemand ! » dit-il d’une voix forte. Cette promesse avait suffi pour apaiser l’émeute, tant la passion de l’unité