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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/118

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pour l’offrir ou l’imposer à la Prusse ; celui à qui vient d’être présentée cette offrande révolutionnaire va écraser la révolution. Tandis que l’Autriche est aux prises avec de grandes insurrections nationales, tandis qu’elle étouffe à Curtatone, à Novare, les aspirations les plus légitimes de la cause italienne, tandis qu’elle lutte contre les Magyars et ne réussit à les vaincre qu’avec l’épée de la Russie, la Prusse, aux mois de mai et de juin 1849, met en pleine déroute les armées démagogiques de l’Allemagne. D’abord leur action est circonscrite dans le duché de Bade et le Palatinat ; puis, à Waghæusel, à Durlach, aux bords de la Murg, à Landau, à Rastadt, frappées de coups terribles et poursuivies l’épée dans les reins, elle vont mourir en Suisse. Le Rhin est dégagé, le Wurtemberg est délivré, le parlement de Francfort, dont la partie la plus violente s’est transportée à Stuttgart, expire dans les convulsions. La première assemblée nationale des pays allemands, la grande convention germanique n’est plus qu’un souvenir.

Et pour qui donc a vaincu la Prusse ? Pour l’Autriche. Chaque victoire du prince Guillaume de Prusse sur les insurgés de Bade et du Palatinat a rendu à l’Autriche une part de son ancienne autorité. Comme c’est elle qui représente l’ordre, le rétablissement de l’ordre lui profite ; la Prusse, qui a tout fait à elle seule[1], semble n’être que le bras droit de l’Autriche. Il est vrai que la Prusse, en organisant le congrès d’Erfurth, essaie de reprendre à sa manière la question de l’unité future, c’est-à-dire de fonder cette royauté allemande qui doit avoir la direction effective à côté de l’empire idéal ; vains efforts ! l’Autriche, dirigée par l’audacieux génie du prince Félix de Schwarzenberg, réclame à la fois la puissance idéale et la puissance réelle, la majesté impériale et la royauté allemande. Les notes impérieuses du ministre autrichien troublent si fort la conscience de Frédéric-Guillaume IV que le commissaire supérieur de la Prusse à Erfurth, le général de Radowitz, est obligé chaque jour de renier ses actes de la veille. Bref, le congrès d’Erfurth est dissous comme l’a été le parlement de Francfort, par la volonté de l’Autriche et par la main de la Prusse. Il ne reste plus qu’à

  1. Elle a été aidée pourtant, il faut le dire, par l’exemple que donna si énergiquement le général Changarnier, lorsqu’il défit l’insurrection parisienne ou plutôt cosmopolite du 13 juin 1840. Les mémoires de Bunsen contiennent à ce sujet de curieuses indications : « Le grand événement européen de ces derniers jours, la défaite de la révolution à Paris, à Lyon et en d’autres villes, du 13 au 15 juin, n’a pas tardé à développer ses prodigieuses conséquences. Tout le réseau de la conspiration fut mis à nu et déchiré. » Il est certain que les victoires du prince Guillaume de Prusse (aujourd’hui empereur d’Allemagne) sur l’armée révolutionnaire de Bade, commandée par le Polonais Mieroslawski, ont suivi de près la victoire du général Changarnier ; les troupes de Mieroslawski furent battues à Waghæusel le 20 juin, à Durlach le 29, aux bords de la Murg le 30.