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pour base une domination despotique exercée en commun sur le reste de l’Allemagne. Quant à une alliance purement extérieure de grands et de petits états qui conserveraient chacun leur pleine indépendance, c’est un non-sens. Quel est donc le moyen qui nous reste pour mettre d’accord les intérêts opposés et former le faisceau national ? Il n’en reste qu’un seul : la guerre. »


V

Telle était au milieu de l’année 1850 la situation du monde germanique. Le gouvernement autrichien, après avoir mis en déroute le parti national sous ses deux formes, celle que l’assemblée de Francfort avait votée et celle que rêvait le roi de Prusse, se disait avec confiance : tout est fini, je n’ai plus qu’à rétablir la diète de 1815, l’Autriche va rentrer plus forte que jamais dans la confédération germanique telle que l’a constituée le congrès de Vienne. Et à ce moment-là même les représentans les plus perspicaces du parti national, les politiques les plus pénétrans, le baron de Stockmar à leur tête, se disaient avec une foi opiniâtre : tout est à recommencer. L’œuvre de 1815 est morte. Aucun système n’est possible. La diplomatie est impuissante, et la discussion stérile. Il ne reste plus que la guerre ; la guerre seule nous donnera l’unité que la nation réclame.

La guerre ! c’est toujours chose grave de s’en remettre au hasard des armes, même dans une cause que l’on croit juste et bonne. Aussi, que d’angoisses pour les partisans de l’unité dans ces sombres mois de 1850 ! À ces angoisses publiques se mêlèrent chez Stockmar de profondes afflictions personnelles. Une série de grands deuils attrista encore cette année déjà si douloureuse et si lugubre. Le baron était à Cobourg lorsqu’il apprit coup sur coup la mort de personnes illustres qui, d’une façon directe ou indirecte, avaient été étroitement mêlées à sa vie politique. Le 2 juillet 1850, sir Robert Peel mourait à Londres d’une chute de cheval ; le 11 octobre la reine des Belges, après une longue maladie, rendait le dernier soupir à Ostende. Dans l’intervalle de ces deux dates, le 26 août, le roi Louis-Philippe était mort à Claremont.

Le roi Louis-Philippe, nous le savons déjà, n’inspirait aucune sympathie personnelle au baron de Stockmar. D’abord le baron n’avait rien de la haute et généreuse nature de son premier maître, le roi Léopold ; tout plein des rancunes de 1806 et de 1813, il poursuivait toujours la France d’une haine sournoise. Si l’éclair de 1830 lui fit entrevoir un instant l’image d’une France qu’il pouvait aimer, ses vieilles inimitiés n’étaient qu’endormies, et l’affaire des mariages espagnols les réveilla brusquement. Sous l’influence des