Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires étrangères son mystique ami le général de Radowitz, une belle âme sœur de la sienne, un rêveur comme lui, mais plus résolu, qui ne craint pas de faire appel aux armes et dont l’attitude obligera l’Autriche à plus de réserve. Radowitz tire l’épée de la Prusse, mobilise les troupes, convoque le ban et l’arrière-ban ; l’Autriche avance toujours. À ce moment décisif, Frédéric-Guillaume est repris par ses scrupules de conscience, il tremble devant la majesté du saint-empire, il craint d’être jugé comme un violateur des lois d’en haut, et, par une lettre singulièrement touchante, il prie le général de Radowitz de résigner ses fonctions. L’épée de la Prusse rentre au fourreau. C’est M. de Manteuffel qui va négocier avec le prince de Schwarzenberg, ou plutôt qui va le trouver à Olmütz, s’incliner, s’humilier devant lui au nom du roi son maître. Frédéric-Guillaume IV a presque l’air d’un vassal rebelle, rebelle d’un jour, d’une heure, à qui le souverain fait grâce en tenant compte de son repentir (29 novembre 1850).

Ces humiliations de la Prusse étaient d’autant plus douloureuses pour Stockmar qu’il voyait les politiques anglais très disposés à s’en réjouir. Revenu à Londres vers la fin d’octobre, un mois avant la convention d’Olmutz, il eut mainte occasion d’entendre les ministres, les membres du parlement exprimer leur opinion sur la politique prussienne. Tous la blâmaient, et, si les motifs étaient différens, l’énergie était la même. Les uns reprochaient à Frédéric-Guillaume IV d’avoir suivi timidement, hypocritement, une politique révolutionnaire, et signalaient avec joie la déconvenue d’Olmutz comme une punition méritée. Les autres, c’étaient les whigs, lui reprochaient d’avoir abandonné si misérablement la cause du peuple hessois, d’avoir livré ses cliens de la veille à la tyrannie de leur prince et à la domination de l’Autriche. Les uns et les autres s’accordaient sur un point : Frédéric-Guillaume, à les entendre, ne s’était jamais soucié ni de l’unité allemande, ni des droits constitutionnels des états allemands ; il n’avait que des vues intéressées, n’était conduit que par des ambitions dynastiques. Ainsi parlaient les tories comme les whigs, et les whigs comme les radicaux ; ainsi s’exprimait le Times, aussi bien que le Globe et le Daily News.

Précisément à cette date, le général de Radowitz avait été envoyé de Berlin à Londres sous prétexte d’étudier une question d’artillerie, en réalité pour préparer les voies à une alliance de la Prusse et de l’Angleterre. Il était secondé par l’ambassadeur prussien, M. de Bunsen, dont les Mémoires nous donnent à ce propos de bien curieux détails. Naturellement le roi Frédéric-Guillaume comptait sur l’appui du prince Albert, si attaché aux intérêts de l’Allemagne et si bien disposé pour la Prusse ; l’appui du prince Albert, n’était-ce pas bientôt l’agrément de la reine Victoria ? La reine entraînerait