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et l’imagination populaires : Ils publient ensuite ces dictées naïves en y ajoutant des notes et des commentaires qui ont exigé de longues recherches et qui intéressent de plus en plus les studieux et les curieux. Les plus petites choses préoccupent aujourd’hui la critique la plus docte et la plus fine ; il ne faut donc pas s’étonner qu’un Imbriani consacre tant de zèle et de temps aux narrations des bonnes femmes. Il y trouve des leçons de philologie, de psychologie, qu’il nous transmet avec beaucoup d’enjouement et de sagacité. Ce qui le frappe avant tout, c’est à quel point les mêmes histoires se retrouvent dans toutes les provinces de l’Italie et dans tous les pays de l’Europe. Il semble que toutes les races indo-européennes aient puisé à la même source et rapporté leurs contes de l’extrême Orient. En creusant ce simple sujet, on arrive à d’étranges profondeurs ; on fouille sous la tige d’une fleur des champs et l’on trouve des racines cent fois séculaires. Voilà de quoi intriguer les critiques, ceux-là surtout qui aiment à chercher et à deviner. M. Imbriani a donc recueilli et publié les chansons et les contes de son village, aidé dans ce travail par une institutrice des écoles communales, Mlle Rosina Siciliano, qui s’est donné la peine de noter ponctuellement, avec une orthographe nouvelle, tout ce qu’elle entendait raconter aux vieilles femmes de l’endroit. En même temps, dans d’autres provinces, les Pouilles, la Sicile et surtout la principauté ultérieure, des lettrés écrivaient avec la même exactitude les variantes des mêmes contes, narrées par d’autres villageois qui n’avaient jamais quitté leur clocher. Ainsi s’est formé le recueil que nous annonçons. Nous n’avons plus qu’à choisir et à traduire.


I. — CHANSONS ET CONTES D’ENFANS.

Mlle Rosina Siciliano a pris d’abord au vol les chansons des nourrices et des enfans, celles qu’on murmure auprès des berceaux, celles qui accompagnent les rondes bruyantes et les jeux des fillettes et des garçons déjà grands. Ces jeux sont très divers, et l’on n’a pas dédaigné de nous les signaler, car il n’est rien d’indifférent en ce monde. Les enfans sautent à cloche-pied en avançant l’un vers l’autre ou se rangent en deux files pour se rapprocher ou s’éloigner alternativement, ou s’assoient à terre les jambes étendues et les relevant l’une après l’autre jusqu’à ce qu’ils soient tous sur leurs pieds. Ils se tiennent debout autour de la maman ou de la nourrice et posent leur index sur ses genoux, puis avancent successivement leurs autres doigts quand un refrain le leur ordonne ; une petite fille s’accroupit à terre et ses compagnes dansent en rond autour d’elle. D’autres s’amusent à un divertissement plus compliqué où sont mêlés la main chaude, le cache-cache, et le cheval fondu.