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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/196

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possède, soit en pleine propriété, si d’importantes donations l’ont enrichie, soit en simple location, une maison dans la ville. C’est là qu’habitent ses curateurs, son trésorier, son bibliothécaire, ses hommes de service ; là sont conservées ses archives, ses collections, les images des hommes qui l’ont illustrée ; là elle tient ses réunions, donne ses fêtes et reçoit les visites dont elle s’honore.

Une de ces visites nous restera dans le souvenir. Lors de la première journée des fêtes, un autre hommage encore que ceux des délégations dans la cathédrale et du roi pendant le banquet avait été offert à l’université d’Upsal, un hommage très intéressant par sa forme et par les sentimens qu’il renouvelait ou faisait naître. Pendant la soirée, les étudians réunis dans leurs diverses nations recevaient, comme c’est la coutume après les grandes promotions doctorales, les visites particulières d’un certain nombre de délégués étrangers. Parmi ces visiteurs, on voyait les plus illustres maîtres. Ils étaient accueillis avec un cordial respect, dans chaque maison provinciale, par les étudians debout autour de la table où brûlaient les vastes bols de punch. Les présidens faisaient faire silence et proposaient en termes chaleureux quatre hurrahs pour cet illustre astronome, M. Struve, pour cet intrépide voyageur aux régions de l’extrême nord, M. Nordenskiöld, pour ce groupe de délégués qui représentaient la France. À ce dernier toast M. OErnmark, de la nation d’Upland, donnait un accent particulier, et M. Gaston Boissier et M. Gaston Paris témoignaient par leurs vives réponses combien ses paroles émues nous allaient au cœur.

La communauté des nobles sentimens et d’une volontaire discipline, voilà ce qui empêche de craindre que le partage de ces étudians en nations les désunisse. Il y a de leur union fraternelle un touchant symbole. Entre les diverses sortes de langages qui sont donnés à l’homme, entre tous les arts, il y en a un singulièrement apte à séduire les imaginations et les cœurs, à les élever vers une sphère suprême, à les y assembler dans une commune et irrésistible préoccupation de l’idéal : c’est la musique. Les philosophes de l’antiquité, à cause de cela sans doute, voulaient qu’on réservât à cet art un grand rôle dans l’éducation. C’est ce qui arrive de soi-même en Suède. On sait ce qu’est dans le nord le trésor des mélodies populaires. Modulées par ces voix, que la nature a généralement bien douées, elles charment et elles étonnent par leurs rhythmes spéciaux. Nous disions en commençant ce récit que la troisième journée du centenaire d’Upsal nous réservait un épisode d’une saveur toute locale, un concert donné par les étudians en présence du roi et de la même assemblée qui avait été conviée aux précédentes fêtes : concert tout vocal, à peine avec quelques accompagnemens d’instrumens à cordes ; rien que des chansons et des poésies nationales