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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/238

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donc a servi jusqu’ici la violence sous toutes les formes ? Elle n’a jamais été qu’une manière de tout compromettre et de tout perdre. Si la république a tant de difficultés et de préjugés à vaincre, si elle reste encore si décriée et si suspecte auprès de tant d’esprits, c’est surtout parce qu’elle porte la peine des procédés de violence et d’agitation, parce qu’on ne la voit pas encore complètement dégagée des fureurs qui usurpent son nom. Si depuis quelques années elle a gagné en crédit, si elle a pu s’établir régulièrement, légalement, c’est parce qu’on a substitué la politique à la violence, parce qu’on a su être modéré, faire des concessions, des sacrifices à l’esprit conservateur du pays. La république telle qu’elle a été réglée par la constitution de 1875, c’est le prix de la modération et de la politique. Et qu’on se le rappelle bien : si la dernière chambre a pu offrir un prétexte plus ou moins plausible, plus ou moins spécieux à un retour offensif de réaction, c’est parce qu’elle a paru se livrer aux agitations stériles, abuser de son pouvoir et rendre tout impossible ou tout possible. Voilà la vérité.

Le moment est-il venu de renoncer par impatience à ce qui a fait de la république un régime régulier, de renouer les traditions révolutionnaires ? Dès l’ouverture de la session, d’ici à huit jours, les républicains vont avoir l’occasion de montrer s’ils sont un parti mené par les influences agitatrices, Ou s’ils restent un parti réellement politique, sachant se contenir, résister même à des ressentimens légitimes, et se défendre non-seulement des violences de la rue, ce qui est aujourd’hui bien facile, mais des violences de parlement. Ils vont avoir surtout, dès leur réunion, deux occasions décisives : la vérification des pouvoirs, qui est le préliminaire de tout, et le budget, dont la discussion est nécessairement prochaine, puisque l’on touchera à la fin de l’année, puisqu’il faut voter sans retard les contributions directes que les conseils-généraux ont encore à répartir. Là est la première épreuve de l’esprit politique de la nouvelle chambre.

Eh ! sans doute, la majorité qui va se retrouver à Versailles revient du combat avec des blessures et des griefs. Les députés qui ont triomphé ont eu à lutter contre l’administration tout entière, qui n’a épargné aucun moyen pour les faire échouer. Les conquêtes laborieuses du gouvernement ont été achetées au prix d’un déploiement immodéré d’influences officielles. On a usé et abusé, c’est convenu. Va-t-on cependant recommencer, dans des proportions plus vastes encore, cette campagne d’éliminations et d’invalidations qui n’a pas peu contribué à compromettre, dès le début, la dernière chambre ? Au premier moment, on ne parlait de rien moins que de casser tout ce qui portait le sceau de la candidature officielle. Naturellement, l’excès de ce procédé est bientôt apparu aux esprits plus calmes, et il reste toujours à savoir quelle sera la mesure des rigueurs appliquées à la vérification des élections.