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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/416

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Tyr ou de Carthage, et ceux-ci, en alliant l’étain avec le cuivre, confectionnaient le bronze, d’un emploi si répandu pendant toute la primitive antiquité, où il remplaçait à la fois la fonte, le fer et l’acier, que les hommes n’avaient pas encore découverts. Phéniciens et Carthaginois, Étrusques, Grecs et Massaliètes, venaient hardiment, par les portes d’Hercule, aborder jusqu’en ces parages éloignés. Peut-être même que les Cassitérides, les îles de l’étain, dont les anciens géographes, Strabon entre autres, ont si souvent parlé, et dont les modernes ont tant de peine à marquer le véritable emplacement, étaient les îles qui gisent sur l’Océan de part et d’autre de l’embouchure de la Loire, surtout Belle-Ile, toujours rattachée à Nantes. Dans tous les cas, ce n’étaient point certainement les îles Scilly des Anglais, celles que nous nommons les Sorlingues. Situées à la pointe de la Cornouaille britannique sans cesse battue par les vagues, les marins et les pêcheurs, même aujourd’hui, ne les abordent qu’avec les plus grands dangers, tandis que Belle-Ile présente un des atterrissages les plus sûrs. Les navires ont la coutume, avant d’entrer en Loire, d’y jeter l’ancre pour attendre les ordres de l’armateur. Devant Belle-Ile est Penestin, en breton la pointe ou le cap de l’étain ; c’est là vraisemblablement que les Nannètes et les Vénètes, montés sur leurs barques de cuir, venaient entreposer l’étain, livré ensuite aux marins de la Méditerranée. Celui de la Cornouaille anglaise, on n’avait pas besoin de le porter aux Scilly, car la Cornouaille offre assez de ports et de mouillages sûrs, ceux qu’on nomme aujourd’hui Penzance, Saint-Yves, dans le voisinage même des mines d’étain.

Le commerce de l’étain et de l’or, qui faisait dans l’antiquité autant de petites Amériques de toutes les contrées où se retrouvaient ces deux métaux, ne cessa point pour les Nannètes avec l’occupation romaine, et le port qu’ils avaient assis sur la Loire continua d’être fréquenté. Cependant ce fut de préférence par l’intérieur de là Gaule, au moyen des routes et des fleuves que les Romains entretenaient avec soin, que l’exportation de l’or et de l’étain se fit désormais. Les deux métaux venaient s’embarquera Marseille, et de là gagnaient Rome et l’Italie. Ce commerce de transit fut arrêté par l’invasion germanique, et la place de Nantes cessa un moment de prospérer. Elle fut pillée, occupée même par les Normands, mais ne tarda pas à se relever, et devint, comme la plupart des cités commerciales du moyen âge, une sorte de commune indépendante, dont les ducs de Bretagne respectèrent les franchises, Quand la Bretagne fut réunie à la France, Nantes ne perdit rien non plus de ses privilèges, et se trouva, on peut le dire, au premier rang pour l’exploitation des richesses de l’Inde, et du Nouveau-Monde.