paix, » c’était son mot. A Bordeaux, il retrouvait l’animation des partis ; il se plongeait tour à tour, selon son expression, « dans les ultras et dans les libéraux, » pour éprouver et fonder ses propres idées.
Bien accueilli partout, il s’éclairait de ce qu’il voyait, et chemin faisant il ne se bornait pas à recueillir des faits ou les impressions des autres : sorti momentanément du tourbillon de Paris, il s’interrogeait lui-même, il jugeait la situation et s’affermissait dans ses opinions, qu’il résumait en écrivant d’Aix à sa femme : « Mes opinions sont assez connues pour qu’il fût ridicule de les dissimuler… J’ai été trop vrai jusqu’ici pour cesser de l’être… Il y a partout des coteries, Grâce à Dieu, je n’appartiens à aucune ; mais je ne me laisserai pas non plus intimider par de vaines appellations. C’est une loi de liberté qui a été donnée à la France, et je ne vois de salut pour le pays et pour le trône que dans le maintien et le développement d’institutions libres et généreuses. L’arbitraire de Bonaparte plaît à beaucoup. Quand je ne l’aurais pas toujours détesté, je ne connais pas une main capable de manier son sceptre. Les nains qui se complaisent dans cet arbitraire, qui n’est qu’un jacobinisme concentré, appellent jacobin quiconque défend la loi, la justice, la liberté. Je ne dis pas que tous les avocats de cette cause soient sans reproche ou sans arrière-pensée ; mais Dieu fait luire son soleil sur les bons comme sur les méchans. Voilà, chère amie, des convictions sérieuses devant lesquelles disparaissent toutes les autres considérations. Au surplus, je le répète, on me connaît, et suivant l’intérêt qu’on croira y avoir on me laissera arriver ou l’on m’exclura… » Il parlait jusque dans l’intimité avec cette hauteur parce qu’il savait que dans la droite et même autour de quelques-uns des ministres les menées avaient recommencé pour l’évincer de la présidence à une prochaine session.
Ce qu’il fallait de fermeté à De Serre pour maintenir l’indépendance de ses opinions et de son attitude dans ces conditions, les événemens allaient bientôt le prouver. Tandis que De Serre achevait son voyage dans les provinces, revenant avec cette conviction que le sentiment de l’ordre était partout en France, mais que ce sentiment ne serait satisfait que par une politique généreuse et désintéressée, la situation se compliquait. D’un côté, le duc de Richelieu venait de partir pour le congrès d’Aix-la-Chapelle, avec la résolution patriotique d’effacer les dernières traces de l’invasion et de l’occupation étrangère, en se portant garant de la France auprès des souverains ; il réussissait malgré les efforts des « ultras, » qui essayaient d’effrayer l’Europe par des « notes secrètes. » D’un autre côté, au même instant, les élections législatives pour le