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n’être qu’une continuation de Nantes ; c’est, à vrai dire, le faubourg industriel de la grande cité. Là sont des distilleries, des huileries, des minoteries, des fabriques de vinaigre, des raffineries de sucre, une grande usine à décortiquer le riz. Chantenay est comme Nantes sur la rive droite de la Loire, dont tous les bras, hormis un seul, sont maintenant réunis. Vis-à-vis est Trentemoult, un endroit fameux où, selon la légende, « trente moult braves chevaliers bretons donnèrent du fil à retordre aux Anglais ; » c’est pourquoi l’île où est Trentemoult porte aussi le nom d’Ile des Chevaliers. C’est à partir de ce point que commencent les digues submersibles de la Loire, digues qui n’ont jamais répondu à ce qu’on attendait d’elles, toujours essayées, toujours critiquées, et qui n’ont fait, au dire des marins, sinon des ingénieurs, que bouleverser le lit de la Loire et en augmenter les dépôts sableux.

Pendant que le bateau avance, et que le patron nous explique ses théories à propos de l’amélioration de la Loire, qu’il voudrait voir confiée au draguage, nous saluons de nouvelles îles toutes vertes, couronnées de pâturages, entre autres celle de Cheviré ; puis, sur la rive droite, Basse-Indre, peuplée de 4,000 habitans, et où se trouvent des forges renommées. On y produit, avec les fontes de Bretagne obtenues au charbon de bois, des fers de qualité supérieure, que recherchent la marine, l’artillerie et le commerce. La production en 1876 a été de 7,000 tonnes de fer laminé et martelé, en barres ou en essieux, et le nombre d’ouvriers employés de 400. Cette usine a été fondée par des Anglais en 1825 ; depuis 1836, elle appartient à une compagnie française et a toujours été florissante.

En face de Basse-Indre est Indret, sur une île, Indret cité jadis pour son château seigneurial encore debout, aujourd’hui plus connu par un établissement considérable appartenant à la marine de l’état et datant du premier empire. On y lançait naguère des navires comme dans nos arsenaux ; on y fait maintenant des machines motrices pour nos vaisseaux de guerre, des hélices, des torpilles, des arbres de couche que l’on forge au marteau-pilon. C’est un atelier de premier ordre, habilement dirigé par les ingénieurs de la marine, et qui occupe 1,100 ouvriers. En général, il n’est guère conforme aux principes de la saine économie que l’état se fasse lui-même constructeur, puisque les maîtres de la sidérurgie contemporaine, les Schneider, les Krupp, produisent mieux et à meilleur compte. Cependant, en pareil lieu et en pareil cas, on peut pardonner au gouvernement d’avoir lui-même ses usines. Outre qu’il y a certains secrets de fabrication qu’il faut garder le plus possible, par exemple celui de la construction et du mode de fonctionnement des torpilles, il est juste de reconnaître qu’Indret, par sa position même, est à l’abri d’un coup de main que pourrait tenter une