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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/477

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contre-marches, des pertes de temps, et surtout l’énorme difficulté de faire mouvoir à la fois et longtemps une aussi grande masse d’hommes ?

Quant au choix des chefs, il ne faut pas perdre de vue que le généralissime des Gaulois était l’Arverne Vercingétorix : un des quatre commandemens de l’armée de secours fut confié à Vercassiveilaunus, qui était également Arveme et cousin de Vercingétorix ; il fut probablement chargé de diriger les contingens du centre, du sud-ouest et du sud. Commius l’Atrébate (de l’Artois) reçut un autre commandement et eut sans doute sous ses ordres les guerriers de l’ouest, du nord-ouest et du nord. N’était-il pas rationnel et juste de réserver la conduite des effectifs armes du sud-est, de l’est et du nord-est à deux chefs de la puissante cité éduenne, qui fournissait, avec ses cliens, un effectif égal à celui des Arvernes, dont dépendait la citadelle assiégée, sur le territoire de laquelle la lutte était si violemment engagée, et sur laquelle plus que sur toute autre peuplade s’appesantissait le poids de la guerre ? Je ne vois là aucun indice sérieux de manœuvres jalouses et de dispositions à la défection.

Ce qui est plus grave et qu’avec M. Mounier vous avez fait judicieusement ressortir, c’est la différence de conduite des généraux éduens et de leurs hommes (dont César ne signale nulle part l’action, ni même la présence sur le champ de bataille) et du général arverne Vercassivellaunus : « C’est surtout, dit-il, aux fortifications supérieures (d’en haut), où ce chef a porté ses efforts, que l’action est chaude, maxime laboratur[1]. » Et quand, après une lutte acharnée, après des alternatives de revers et de succès, les Gaulois sont définitivement vaincus, nous voyons ce même guerrier tomber vivant aux mains des ennemis, et Sédulius, prince des Lémovikes (limitrophes des Arvernes), périr dans la mêlée. Ces deux noms sont les seuls que le vainqueur ait mentionnés parmi les victimes de cette néfaste journée, noms glorieux et chers aux fils des Gaulois, dignes d’être inscrits sur le livre d’or de la patrie, à côté du grand nom de Vercingétorix.

Il est donc vraisemblable, et cet aveu est douloureux à faire, que les Arvernes et leurs amis et alliés ne furent pas aidés, comme ils auraient dû l’être, par les troupes des Éduens et de leurs cliens, et que ceux-ci virent peut-être avec une secrète joie la défaite et la ruine de leurs rivaux.

Je ne saurais assez vous louer, monsieur, d’avoir mis en un relief saisissant l’idée dominante du jeune chef arverne quand il entreprit contre Rome cette lutte gigantesque dont l’issue devait être si fatale à lui et à son pays : c’était l’idée de « la commune indépendance à recouvrer » et de l’unité gauloise à fonder. Nous en trouvons l’énergique expression

  1. Bell. Gall, VII, 85.