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comte de Saint-Priest ajoute avec philosophie : « On sait que le cardinal Dubois, qui gouvernait sous la régence, se mettait quelquefois au courant de sa correspondance en jetant au feu les lettres qu’il avait sur son bureau. »

Il est rare que dans ses portraits il omette le chapitre des indemnités. Ne nous plaignons pas ; nous y gagnons de curieux détails : François de Noailles, évêque d’Acqs, sous Charles IX, vit son traitement réduit de 30,000 à 25,000 livres ; mais aussitôt nous apprenons qu’il recevait du Grand-Seigneur un taïn de 4 écus par jour ; on lui fournissait en outre, chaque année, 300 charges de bois, 230 kilos d’orge et 114 charretées de foin. Il faisait part de ces provisions à ses drogmans dont le premier, Domenico Olivieri, avait 300 écus de 50 aspres d’appointemens annuels, 20 écus pour les frais de bateaux, deux robes d’écarlate et deux de soie. « On a cru, reprend M. de Saint-Priest, devoir rapporter ces détails que leur ancienneté rend curieux en les comparant au temps présent, » et il poursuit sa notice sur l’évêque d’Acqs, ambassadeur d’un tempérament bien différent et dont les plaintes plus vives rappellent celles de Machiavel. Le comte de Saint-Priest cite seulement de l’illustre prélat ce passage mélancolique : « La coutume de la cour est de ne rien faire que pour ceux qui sont présens, pressans et importuns. Le roi d’Espagne en use autrement, et j’espère que le nôtre en fera de même un jour ; mais mon temps sera passé. » Ce même Noailles, dont l’esprit charmant et ferme offre un contraste frappant avec le caractère sage et discret de Saint-Priest, ne s’embarrassait pas autant que lui du choix des mots, et quand il parle de son prédécesseur Claude Du Bourg, seigneur de Guérines, c’est pour le taxer en propres termes de « fripon. »

Cet ouvrage, on le voit, présente un intérêt varié ; M. Schefer a eu l’heureuse inspiration de le compléter en le faisant suivre du texte des traductions originales des capitulations et des traités conclus avec la Porte, depuis la période la plus ancienne jusqu’au traité de 1838. Les mémoires du comte da Saint-Priest ne perdent ainsi rien de leur valeur ; nous les trouvons au contraire appuyés par des textes qu’il n’est pas toujours facile de se procurer.

p. D’E.


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