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beaucoup d’œuvres leur prêterait quelque valeur, et l’improvisation devenait ainsi le régime habituel des maîtres de Munich.

Trop longtemps encouragés par les complaisantes complicités du public et de la critique et par la faveur des souverains, ces excès devaient pourtant avoir un terme. Bien qu’on eût élevé bon nombre de monumens sans destination, les murailles elles-mêmes commençaient à manquer. Sur les fresques exposées à l’air, le temps, lui aussi, accomplissait peu à peu son œuvre de détérioration, au milieu d’une indifférence croissante ; il y avait comme une convention tacite de ne pas lui disputer sa proie. Aujourd’hui la pluie et les frimas ont eu également raison des caricatures colossales et des inspirations austères. La destruction est à peu près complète, et personne ne songe à élever la voix pour réclamer. Quant aux œuvres qui, placées à l’intérieur des édifices, semblent préservées de pareilles injures, le sort de la plupart d’entre elles est peut-être plus lamentable encore : elles attirent à peine le regard. La lourde ordonnance de ces vastes machines, l’enchevêtrement et l’accumulation des épisodes disparates qu’elles renferment, en font encore mieux ressortir maintenant toute la pauvreté : elles ne subsistent plus que comme les témoignages d’un art dont les hautes visées accusent cruellement l’impuissance.

La fresque avait absorbé toute l’activité des maîtres de Munich. Sans doute ils jugeaient indigne de leur génie de s’abaisser jusqu’à la peinture de chevalet, et peut-être aussi un peu imprudent pour leur renommée de s’exposer à des comparaisons indiscrètes. Une visite faite à la nouvelle Pinacothèque ne justifie que trop le sentiment d’une pareille défiance. Jamais assurément nous n’avons, pour notre part, éprouvé semblable déception, et il nous paraît difficile qu’en aucun autre lieu du monde on puisse rencontrer un tel amas d’œuvres sans nom. Il y a là des kilomètres de mauvaise peinture, et l’on peut errer longtemps dans ces vastes salles sans trouver où y reposer le regard. À peine quatre ou cinq tableaux mériteraient-ils d’être distingués dans cette foule ; encore ne sont-ils pas tous l’œuvre d’artistes allemands. Une salle entière est consacrée à Rottmann, dessinateur exact et habile qui, dans ses nombreuses vues de Grèce, a cru devoir recourir à des effets violens et aux fantasmagories de lumière les plus étranges afin de mettre quelque variété dans cette réunion de paysages de dimensions pareilles, juxtaposés sous un jour factice qui en exagère encore les contrastes. Les plus simples de ces ouvrages sont les plus remarquables, et nous leur préférons même les aquarelles et les dessins faits d’après nature qui permettent de mieux apprécier les qualités très réelles de ce peintre. Un autre artiste, Piloty, tient ici avec honneur la place que Delaroche et Gallait ont prise en France et en Belgique. Le Triomphe