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des grès du Rhin, des plaques de faïence de Nuremberg ayant servi à la décoration de ces grands poêles qui sont encore usités en Allemagne, mais tout cela mêlé avec des majoliques modernes de Minton, des verres de Venise, des échantillons clair-semés et peu heureux de Sèvres, de la Chine et du Japon, — des étoffes et des tentures anciennes, des tapis de Perse et des tissus de Lyon, des ouvrages de ferronnerie, des armes, quelques-unes d’un travail très fin, d’autres, et en grand nombre, assez grossières. Çà et là des souvenirs qui n’ont d’autre intérêt que leur provenance : une souquenille de Frédéric II, usée jusqu’à la corde, et qui atteste les habitudes peu raffinées de l’ami de Voltaire ; des défroques d’électeurs et les habits de gala des derniers souverains, ou bien de vraies puérilités comme les petits ménages et les jouets d’enfans, ou encore, parmi les instrumens de musique, cette guitare tout à fait primitive, façonnée pendant le siège de Pavie par deux soldats bavarois avec des boîtes à cigares et des crins de cheval.

Au second étage, rempli en grande partie d’œuvres allemandes, le classement s’est fait non plus par catégories d’objets, mais par ordre chronologique, à partir de la renaissance. C’est une vraie profusion de coffrets, de bahuts, d’ivoires sculptés, d’horloges et d’ouvrages d’orfèvrerie tout hérissés de ciselures, mais dans lesquels le mérite du travail ne répond que rarement à l’abondance et la richesse de la matière. À mesure qu’on s’avance vers les temps modernes, les progrès du mauvais goût s’accusent de plus en plus, et si par hasard, au milieu de cet encombrement, on découvre quelque objet digne d’être remarqué, il y a gros à parier qu’il n’est pas de provenance germanique. Après Albert Dürer et ses élèves, toute trace d’originalité a disparu dans l’art aussi bien que dans l’industrie en Allemagne ; l’une et l’autre, après avoir vainement cherché leurs inspirations en Italie, se tournent vers la France, qui seule désormais va pourvoir le monde de modèles industriels.

C’est au Musée de Munich qu’il faut voir ce que devient la fabrication des objets d’art dans un pays lorsqu’elle ne vit plus que d’imitation. On se ferait difficilement l’idée d’un appauvrissement aussi complet. Les témoignages n’en ont pas été épargnes, et les spécimens du rococo allemand s’étalent ici avec une inconcevable complaisance. Comment notre style Louis XV, si fin, si souple, d’une élégance si aisée dans ses allures, a-t-il pu inspirer ces formes raides et prétentieuses ? Ce ne sont partout que meubles ventrus, aux cuivres gauchement contournés, trumeaux remplis de bergers rougeauds ou de nymphes rebondies, lourdes volées d’amours au milieu de guirlandes massives et d’ornemens bizarres entassés de la façon la plus grotesque. Tout ce qui remplit les dernières salles est de ce goût faux et pesant auquel l’Allemagne s’est obstinée au siècle dernier,