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fois et dans maint musée nous avons rencontré le visage. Cette vieille connaissance, c’est l’épouse même de Véronèse, celle que dans les pèlerins d’Emmaüs du Louvre il nous montre entourée de trois beaux enfans, jeune encore, mais déjà un peu massive. Nous la retrouvons ici avec quelques années de plus et très peu flattée par son mari : son air est décidé, son expression un peu vulgaire, l’embonpoint déborde; aucun goût dans la mise, en tout la tournure d’une simple ménagère. Bonne peinture d’ailleurs, quoique peu idéalisée, mais qui témoigne en faveur de l’honnêteté conjugale de l’artiste, un homme au courant de toutes les élégances et qui pourtant s’estimait heureux avec cette commère, puisqu’il en a si souvent reproduit l’image. Parmi les autres toiles du maître de Vérone, l’Adoration des Mages est un vrai bijou qui rappelle comme disposition et qui vaut comme peinture la Vierge avec sainte Catherine et saint George de notre Musée. Même éclat et même richesse dans les combinaisons de la couleur, même élégance dans le dessin. Le personnage agenouillé, avec sa barbe blanche et sa tête vénérable, est de l’invention la plus heureuse. C’est une fête pour le regard que ces harmonies vibrantes et cependant discrètes, si naturelles et si savamment équilibrées.

Il convient de rester sur de pareilles impressions, et, bien que l’école de Bologne figure à la Pinacothèque avec des œuvres importantes, il nous en coûterait de parler d’elle avec quelque détail. Dans ces vastes toiles où s’abandonnait un peu trop complaisamment l’habileté de ses peintres, on cherche vainement quelque chose du souffle des âges précédens, la puissance d’un talent supérieur mise au service de la pensée; on y rencontre des réminiscences, des formules apprises et convenues, une moyenne cherchée de qualités et pas de qualité dominante, plus de rhétorique en somme que de véritable éloquence. Après avoir usurpé les admirations excessives que, jusqu’en ces derniers temps, ils partageaient avec les plus grands, les maîtres de Bologne subissent aujourd’hui la peine d’une réaction sans doute exagérée. Mais les compromis qui, dans les relations sociales ou les expédiens de la politique, peuvent parfois être de saison, ne suffisent pas pour créer des écoles d’art, et à distance, dans ce combat pour la gloire qu’ont soutenu les artistes et qui se renouvelle incessamment pour eux dans le champ-clos des musées, ceux-là vivent, ceux-là seuls triomphent qui ont eu quelque originalité et quelque perfection.

Nous aurons suffisamment parlé de l’école napolitaine telle qu’elle est représentée à Munich en signalant au passage quelques-uns de ces paysages de Salvator Rosa où la bizarrerie veut passer pour richesse d’imagination. Nous serions trop généreux pour cette école