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avec l’homme qu’elle nous représente, un de ces diplomates comme l’Italie en a souvent produits, de nature réfléchie et avisée, qui savent où ils vont, aussi obstinés vers leur but que souples dans les moyens qu’ils emploient pour l’atteindre.

Mendians accroupis au coin d’une borne, jouant aux dés avec quelques drôles de leur espèce, vaquant aux soins les plus intimes de leur toilette ou dévorant à belles dents quelques-uns de ces fruits savoureux que la tiédeur du climat fournit à la pauvreté insouciante, tels sont les simples épisodes qui s’offrent à nous dans cinq tableaux de Murillo, fidèles images de la nature et des mœurs familières de l’Espagne, sincères études dans lesquelles le peintre trouvait à la fois un délassement pour son esprit et une gymnastique utile pour son talent. Mais le Saint François guérissant un paralytique à la porte d’une église nous donne une idée plus haute du maître de Séville, et nous montre à côté de ces réalités vulgaires la distinction la plus exquise, association justifiée ici avec une convenance parfaite par le sujet lui-même. La bonté compatissante du saint, sa dignité et l’attitude recueillie des deux religieux qui, placés à l’écart sous le porche de l’église, assistent au miracle, forment un contraste saisissant avec la tournure grossière et les haillons du pauvre infirme; mais la foi naïve, peinte sur le visage du mendiant, le rapproche naturellement du pieux personnage auquel il est venu demander sa guérison. Le Saint François est, à Munich, la meilleure toile de l’école espagnole, et certainement l’une des plus remarquables du musée.

Les Français partagent avec les Espagnols un des salons de la Pinacothèque; c’est dire qu’ils n’y sont pas très nombreux. Il est même permis d’ajouter qu’ils n’y font pas trop brillante figure. Après avoir noté, sans trop insister, le Roi Midas, de Poussin, composition un peu encombrée, mais d’une couleur claire et souple, qui n’est pas habituelle au peintre, — Jésus avec Marthe et Marie, de Lesueur, tableau touchant quand on l’a pénétré, qui cependant n’attire guère, placé ainsi au milieu des œuvres des coloristes espagnols, — enfin neuf marines de Vernet, peintes dans un genre décoratif un peu banal, mais d’un pinceau facile et alerte, nous aurions terminé cette rapide revue des maîtres français, si notre grand paysagiste Claude ne méritait pas de nous arrêter. Il tient ici noblement sa place avec quatre tableaux peints à Rome, signés et datés de 1656, 1668 et 1674. Malgré les scènes inspirées par la Bible, que renferment deux d’entre eux, il est permis de dire que la lumière en fait le principal sujet. Comme toujours, les lignes et les masses variées avec art lui font un merveilleux encadrement. La succession des plans qui, par d’insensibles passages, vous conduisent