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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/559

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si droites, si bien fait pour en imposer à la diplomatie, avait peu d’expérience des choses intérieures. Il ne voyait pas qu’en quelques jours il s’était rendu tout impossible. Malgré ses condescendances pour la droite, il ne voulait pas lui sacrifier entièrement la politique de modération à laquelle il avait attaché son nom, et pour cette alliance décevante autant qu’onéreuse il s’était aliéné les libéraux. En livrant De Serre, il avait laissé atteindre dans son importance un homme qui s’était illustré à la tête de la chambre, qui avait été jusque-là, par l’éclat du talent et par son libéralisme monarchique, une des forces de la restauration. En frappant M. Decazes, il avait risqué de blesser le roi dans ses sentimens, un peu dans sa dignité, et il avait fait d’un ministre menacé de disgrâce un ministre populaire. Que lui restait-il? Vainement il assemblait des noms disparates, M. de Villèle et M. Mollien, M. Siméon et M. de Lauriston : il ne tardait pas à se sentir impuissant, découragé. Il ne demandait plus qu’à s’effacer, renonçant à la mission qu’il avait acceptée, suppliant lui-même M. Decazes de rester, d’aider le roi à former un cabinet.

C’est ce qui arrivait en effet, de sorte que cette crise, au lieu de finir par un succès de réaction, par une déviation de la politique modérée, se dénouait au profit de cette politique et des hommes qui l’avaient soutenue, qui avaient failli disparaître. M. Decazes ne cessait d’avoir l’exil de Pétersbourg en perspective que pour prendre le ministère de l’intérieur à la place du ministère de la police désormais supprimé. De Serre, le vaincu du scrutin de la présidence de la chambre, se relevait garde des sceaux. Le maréchal Gouvion Saint-Cyr, le vigoureux réorganisateur de l’armée détesté des « ultras, » restait plus que jamais au ministère de la guerre; le baron Louis entrait aux finances, et tous consentaient à se placer sous la présidence d’un militaire, homme d’esprit et de ressources, à qui on n’avait songé qu’à la dernière extrémité, presque par hasard, en feuilletant un almanach royal, — l’ancien chef d’état-major de Moreau, le combattant de Hohenlinden, le général marquis Dessoles.

La crise avait commencé comme un imbroglio de parlement et de cour; elle finissait par un coup de théâtre qui laissait M. de Richelieu hors du ministère. Comédie éternelle de la petitesse et de l’ingratitude des partis! La veille encore, le duc de Richelieu était considéré comme le premier personnage public, sans lequel rien ne semblait possible; lorsque peu de jours après, sous l’inspiration et avec l’énergique appui des nouveaux ministres, un homme de bien, M. Benjamin Delessert, proposait d’assurer une dotation d’une rente annuelle de 50,000 francs à celui qui venait de délivrer la France des occupations étrangères, cette proposition ne rencontrait