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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/558

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à cet acte, qui ressemblait à une rupture avec une fraction libérale de la chambre et qui atteignait quelques-uns des ministres eux-mêmes. De Serre, quant à lui, avait prévu cette tentative d’exclusion. Il se défendait de toute amertume, surtout à l’égard de M. de Richelieu, qu’il savait au-dessus de l’intrigue. Il ressentait cependant le coup, qui du reste ne le frappait pas seul, et au courant de ces journées d’agitation parlementaire, ministérielle, il écrivait à sa femme demeurée le la campagne, à Aulnay : « J’ai beaucoup à me louer de M. Decazes, quoique je ne l’aie pas vu. La cabale contraire était si violente que sans lui je ne serais pas sorti candidat au premier tour de scrutin. C’est jusqu’ici sa défaite comme la mienne. Patience, petite, la victoire est journalière et elle aime le courage. Que l’ordre actuel se maintienne, je n’en demande pas davantage. S’il devait périr, heureux alors ceux dont la responsabilité aura été la moindre... — Le maréchal Saint-Cyr et la maréchale sont parfaits pour nous; le baron Louis et nos amis de même. Sois convaincue que c’est honorablement que nous tombons. Tout est ici dans un grand ferment!.. » Trois jours après, il ajoutait : « J’ai beaucoup réfléchi sur ma conduite dans ces circonstances et me suis convaincu que le plus grand calme, l’absence de toute irritation, le seul souci de l’intérêt du pays étaient dans les convenances, dans mes devoirs et mon caractère... » L’exclusion de De Serre avait pour conséquence immédiate la formation d’un groupe nouveau dans la chambre, la « réunion Ternaux, » où se rencontraient tous les anciens modérés.

A mesure que la crise se déroulait, le duc de Richelieu commettait une méprise bien plus grave encore. Il allait jusqu’à demander et même imposer au roi, non-seulement l’exclusion de M. Decazes du ministère, mais son exil dans une ambassade lointaine, à Saint-Pétersbourg. C’était ce que M. Lainé appelait une mesure « impériale, » ce qu’il aurait appelé un a oukase » s’il l’avait osé. M. Decazes recevait sans discuter cette communication, que Louis XVIII lui faisait avec des larmes, et il offrait de partir au premier ordre. Le duc de Richelieu avait dépassé visiblement la mesure. Il n’obéissait assurément ni à un goût immodéré et jaloux de domination ni à des animosités personnelles. Il ne restait au pouvoir et il n’acceptait de reconstituer le ministère que par dévouement; il aimait et estimait M. Decazes, et même en se croyant obligé de l’exiler il lui témoignait les sympathies les plus sincères. Sans le savoir, il cédait à des suggestions de coterie; il subissait la tyrannie des défiances et des antipathies de la droite, dont il recherchait l’alliance. Peut-être aussi croyait-il que, ne pouvant plus avoir M. Decazes pour collègue, il ne réussirait pas à former un ministère tant que le favori du roi serait à Paris. Ce galant homme aux intentions