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partis, aveuglement des violens, hésitations des modérés impuissans à se rallier et à se défendre sur leur propre terrain : Oh ! la vieille histoire qui est toujours nouvelle.

Obligé de poursuivre sa marche entre des partis extrêmes sous les feux croisés de toutes les hostilités, exposé aux coups de la droite et de la gauche, sans savoir s’il garderait jusqu’au bout son armée, le ministère ne désespérait pas encore. Il se flattait ou il s’efforçait de faire bonne contenance, et à la veille des élections de 1819, au mois d’août, De Serre écrivait au premier président de Lyon, M. de Bastard : « Nous sommes associés à une même tâche, difficile, mais glorieuse, celle de fonder les institutions de notre pays,.. Si je suis bien informé, les dispositions pour la prochaine élection seraient généralement assez bonnes. Il est dans nos calculs et dans nos espérances que de session en session l’esprit des collèges s’améliorera... » Tout tenait en effet à cela; mais c’était justement le point obscur, le péril, parce que tout dépendait des passions engagées dans une lutte toujours incertaine, d’un incident imprévu, — un de ces incidens qui ne manquent jamais! Peu de jours après, à la mi-septembre, l’imprévu avait éclaté par le renouvellement annuel de 1819, par des élections qui assuraient une victoire signalée aux libéraux, en infligeant une déroute complète aux ultra-royalistes, une défaite partielle, mais sensible, aux ministériels purs.

Par elles-mêmes, après tout, ces élections n’avaient point un caractère général bien menaçant. Beaucoup de ces libéraux sortis du scrutin n’étaient des ennemis ni pour le roi, ni pour le ministère, et le plus renommé, le plus brillant des nouveaux élus, le général Foy, envoyé à la chambre par le département de l’Aisne, se hâtait d’écrire à De Serre, qu’il connaissait : « La dernière fois que j’ai eu l’honneur de vous voir à Paris, vous m’avez dit : Revenez député et vous serez le premier militaire libéral que j’aurai rencontré!.. J’espère réaliser l’espoir que vous avez conçu à mon égard. Ma doctrine politique repose sur deux bases également inébranlables : 1° le maintien de l’ordre social que les siècles ont amené, que la révolution a déclaré, que la charte a si heureusement consolidé; 2° les hauts principes de respect pour la liberté et pour la dignité morale de l’homme, qu’une bouche éloquente a développés avec tant de succès dans la dernière discussion sur la liberté de la presse... » Malheureusement, dans ce fatal scrutin, dont De Serre ne se serait pas ému s’il n’y avait eu que des hommes tels que Foy, tout s’effaçait devant un seul fait, l’élection d’un régicide, l’abbé Grégoire, qu’on était allé chercher dans son obscure retraite d’Auteuil pour en faire un député de l’Isère. Chose plus extraordinaire et qui peint la violence des passions du moment, l’abbé Grégoire