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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/583

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autre, personnifiait le centre gauche. Dès le premier instant, dans la pensée des deux ministres qui conduisaient la négociation, qui d’heure en heure échangeaient leurs impressions, Royer-Collard avait été un des hommes nécessaires, un de ceux qui devaient maintenir la signification libérale du cabinet en lui donnant la force de sa parole. « Tout est dans Royer maintenant! écrivait M. Decazes à De Serre; il faut que vous le décidiez. Il ne peut reculer devant la batterie et la brèche. Qu’il ne pense ni à la majorité ni à la minorité, mais à la loyauté de ses amis. J’ose dire qu’il ne devrait pas craindre... » Malheureusement Royer-Collard n’était pas si facile à fixer, et en se sentant lié d’idées, d’instincts, de préoccupations, de fortune politique avec ses amis, il se défendait; il mettait à se rendre impossible autant de soins que d’autres en mettent à se glisser dans toutes les combinaisons. Homme aux facultés éminentes, plus amoureux d’influence que de pouvoir, plus porté à la critique superbe qu’à l’action, il avait de la peine à prendre un parti. Il approuvait et il n’approuvait pas, il élevait des difficultés sur tout, déployant une prépotence inquiète, embarrassante et inutile. Tantôt il paraissait céder, et De Serre, le prenant au mot, se hâtait d’écrire à M. Decazes : « Royer me quitte. Je lui ai développé les mesures; sans adopter, il ne rejette pas. Les personnes, ça l’arrangerait, et il prendrait l’instruction publique décorée de la partie scientifique et littéraire dont vous seriez heureusement dégagé!.. » Tantôt Royer-Collard se laissait ressaisir par ses doutes, par ses répugnances, à l’égard de certains hommes, notamment M. Pasquier, par la crainte de paraître se désavouer en abandonnant la loi des élections, — et il ne voulait plus ! Il se dérobait, il se barricadait derrière les objections, et quand on lui montrait le danger que son esprit supérieur ne méconnaissait pas, il s’écriait : « Eh bien ! nous périrons, c’est aussi une solution ! »

Un moment, au milieu des incertitudes de ces jours agités, M. Decazes, croyant être un obstacle ou un sujet d’ombrage pour Royer-Collard, offrait de s’effacer, et il allait jusqu’à écrire à De Serre : « Si Royer ne peut s’entendre avec moi, j’espère que vous n’hésiterez pas à accepter mon dévoûment qui sera aussi utile à la chose en dehors qu’en dedans et qui ne sera que plus actif et plus zélé... Ayez le courage de vous unir complètement à ce qui vous donnerait le centre gauche, et reposez-vous sur moi du centre droit, que je vous donnerai autant qu’il sera en moi, en combattant pour vous comme volontaire et de toute mon âme... Il faut que Royer fasse avec vous, puisqu’il croit avoir vos maximes, ou qu’il laisse faire... » De Serre répondait aussitôt avec vivacité que le dévoûment plus que jamais consistait à rester. Il entendait marcher