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LA
SITUATION POLITIQUE
EN PRUSSE

L’Europe a certainement beaucoup de choses à apprendre des Prussiens. Si leurs généraux peuvent en remontrer aux plus habiles dans l’art de préparer et de conduire une campagne, leur grand homme d’état est un modèle que ne sauraient trop étudier tous les ministres des affaires étrangères, désireux de savoir comment on concilie la prévoyance avec l’esprit d’aventure, comment on assure par de savantes combinaisons le succès d’une politique d’audace et d’entreprise. Berlin est une grande école de stratégie militaire et de stratégie diplomatique; mais ceux qui s’adresseraient à M. de Bismarck pour apprendre de lui la science du gouvernement et les principes d’une bonne politique intérieure, les rois constitutionnels ou les présidens de république qui, faisant mauvais ménage avec leurs chambres, s’aviseraient d’aller chercher en Prusse des recettes, des procédés, des méthodes sûres pour sortir d’un conflit avec tous les honneurs de la guerre, perdraient leurs peines et ne retireraient pas leurs frais d’enquête. La Prusse est un pays à part, ses institutions lui sont propres et sentent le terroir ; ses hommes d’état en possèdent le secret, ils connaissent seuls les moyens de s’en servir. Les méthodes, les recettes qu’ils emploient sont réservées à leur usage particulier; il serait difficile de les appliquer ailleurs.

Il est incontestable que naguère le roi Guillaume a été en lutte ouverte avec sa chambre élective, que cet orageux conflit a duré quatre ans, et qu’il s’est dénoué à la satisfaction du roi et de son ministre, qui obtinrent gain de cause. Ils avaient conçu de grands desseins, qu’ils ne pouvaient avouer; ils avaient résolu de prendre leur revanche d’Olmütz et de saisir la première occasion d’assurer à la Prusse la prépondérance en Allemagne. Le moyen d’y réussir sans avoir en main un bon instrument, un outil sans défaut, c’est-à-dire sans avoir réorganisé l’armée,