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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/702

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le général de Stosch, avait pris place au conseil; ce n’était qu’un bruit et, paraît-il, un bruit controuvé. En revanche une communication authentique, officielle, avait été faite à la chambre, et cette communication lui avait causé le plus vif étonnement; elle avait appris qu’on venait de faire entrer dans le ministère prussien, à titre de ministres sans portefeuille, deux étrangers, un Hessois et un Mecklembourgeois. Le Hessois était M. Hofmann, président de la chancellerie impériale, le Mecklembourgeois était M. de Bulow, secrétaire d’état aux affaires étrangères. Ces deux étrangers étaient deux hommes de mérite, employés l’un et l’autre par le chancelier de l’empire germanique, son bras droit et son bras gauche, en ce moment du moins, car M. de Bismarck a déjà souvent changé de bras et il en changera plus d’une fois encore.

Que venaient faire la Hesse et le Mecklembourg dans le ministère prussien? Ce point méritait d’être éclairci, et, comme il arrive toujours, ce furent le chef du centre catholique, M. Windthorst, et le chef du parti progressiste, M. Virchow, qui se chargèrent de questionner le gouvernement; il faut être ou catholique ou progressiste pour oser faire à Berlin l’ingrat métier de questionneur, pour demander chaque année, sans se lasser, à des gens qui ne veulent pas s’expliquer l’explication d’incidens inexplicables. Les questions que firent MM. Windthorst et Virchow peuvent se résumer ainsi : — Où en sommes-nous? De grâce, donnez-nous quelques éclaircissemens. Que signifie ce Hessois? que signifie ce Mecklembourgeois? Sommes-nous exposés à vous demander demain : Que signifie ce Japonais ? Qu’ont à voir ces messieurs dans les affaires exclusivement prussiennes? Quel secours, quelles lumières en attendez-vous ? Mais, nous y pensons, ne pourrait-il pas se faire que ces nouveaux collègues vous aient été imposés par M. de Bismarck, dont ils possèdent l’entière confiance et qui désire se procurer une majorité dans le conseil pour y faire prévaloir ses vues particulières ? Vous vous prêtez donc à tout ce qu’il exige de vous ? Est-ce à dire que vous n’êtes plus vos maîtres ? À ce compte, que devient votre responsabilité ? Aussi bien vous venez d’introduire dans le cabinet deux ministres sans portefeuille; pourquoi pas quatre? pourquoi pas dix? Assurément la constitution déclare que le choix des ministres est réservé exclusivement à la prérogative royale; mais dit-elle que le roi est autorisé à nommer un nombre indéfini de ministres ? En ce cas, le ministère prussien est en danger de devenir une véritable curiosité vivante, digne de figurer dans un musée. — L’accueil bénin que fit à ces observations le vice-président du conseil, M. Camphausen, était empreint d’une bonhomie narquoise. Il protesta que, si d’aventure il avait oublié de faire à la chambre quelque communication qui pût l’intéresser, il en éprouvait un sincère regret et lui en faisait toutes ses excuses, promettant que pareille chose ne se renouvellerait plus à l’avenir. Il ajouta que, si la composition du ministère prussien offrait certaines bizarreries, certains