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LA VIE ET L’ŒUVRE DE CERVANTES.

est né à Alcala de Henares, le 7 octobre 1547. Son acte de baptême sur le registre de la paroisse de Santa-Maria-la-Mayor est daté du 9 du même mois. On montre encore aux curieux une vieille muraille attenant à la Porte des Capucins, comme un reste de la maison où l’auteur du Don Quichotte a vu le jour. Il n’est pas aisé de juger d’une maison par un pan de mur, et celui-là n’offre rien de remarquable.

Son père, don Rodrigo, était hidalgo, bon gentilhomme et pauvre descendant d’un rico ome de Léon et Castille, qui suivit le roi saint Ferdinand à la conquête de Séville. Il n’y a guère de noblesse plus honorable. Sa bisaïeule paternelle, doña Juana de Avellaneda (remarquez ce nom), était fille de don Arias de Saavedra, surnommé el Famoso, de la famille des comtes de Castrillo. On croit que c’est en souvenir de cette dame que Michel de Cervantes ajouta à son nom celui de Saavedra. C’était alors un usage dans les familles nobles de reconnaître ainsi un bienfait provenant de quelque parent plus ou moins éloigné.

Rodrigo eut quatre enfans, deux garçons et deux filles, issus d’une même mère, doña Leonor de Cortioas, également de bonne noblesse et aussi pauvre que son mari. Souvent les mères des grands hommes ont exercé une heureuse influence sur l’éducation et les premières idées de leurs enfans, et nous voudrions avoir quelques détails sur le caractère de doña Leonor, malheureusement nous ne savons rien sur son compte. On a quelque lieu de croire qu’elle était parente de doña Magdalena de Cortinas, belle-mère de Lope de Vega.

Nous n’avons pas plus de renseignemens sur l’enfance de Michel. Il était le dernier des quatre enfans de don Rodrigo, et il est plus que probable que son éducation fut encore plus négligée que celle de son frère aîné. M. Navarrete a connu un professeur à l’université de Salamanque, don Thomas Gonzalès, lequel prétendait avoir vu le nom de « Michel de Cervantes, demeurant calle de Moros, » immatriculé dans un registre de cette université. Or, nous avons dit que le nom de Cervantes n’est guère plus rare que le prénom de Michel, et d’ailleurs personne n’a pu retrouver le registre en question. Il est vrai qu’une nouvelle de Cervantes, la Fausse Tante (la Tia fingida) prouve qu’il connaissait parfaitement les mœurs et les pratiques des étudians de Salamanque, et là-dessus on a conclu qu’il devait avoir fait ses études dans cette université. Par un argument semblable, on démontrerait qu’il avait étudié à l’école de voleurs tenue par le seigneur Monipodio, dont il ne parle pas moins pertinemment dans sa nouvelle de Rinconete et Cortadillo. À notre sentiment, il est très probable qu’il n’a jamais suivi les cours d’une uni-