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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/737

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LA VIE ET L’ŒUVRE DE CERVANTES.

tait pas prodigue, donna à ce misérable un écu et un pot de beurre.

Déjà Cervantes était parvenu à sortir du bagne et s’était caché chez un ami ; mais en apprenant que le complot était découvert, il s’empressa de rassurer le négociant mallorquin et de lui dire qu’il prenait tout sur lui ; en même temps il avertissait ses complices de le charger devant les barbares et de tout rejeter sur lui. C’est ce qu’atteste formellement un des compagnons de Cervantes compromis avec lui dans cette triste aventure. Cependant, comme l’audace et la générosité n’excluaient pas chez Cervantes la prudence et la finesse, il se fit conduire au dey par un Maure qui lui portait quelque intérêt, et qui, dans cette occasion, lui servit de protecteur. Hassan-Aga lui fit d’abord mettre la corde au cou, puis lui demanda le nom de ceux qui devaient s’enfuir avec lui. Cervantes lui nomma quatre cavaliers espagnols qui avaient réussi à s’échapper, et dans tout l’interrogatoire se conduisit avec tant d’adresse que le négociant Exarque, le plus coupable aux yeux des Maures, ne fut pas même soupçonné. Le dey, cette fois encore, se montra bon calculateur ou généreux ; cependant, par son ordre, Cervantes fut remis à la chaîne et gardé dans son palais. Selon l’usage, Hassan-Aga allait être remplacé et retourner à Constantinople, et il annonçait l’intention d’emmener son prisonnier.

La mère de Cervantes et sa sœur Andréa avaient, en réunissant toutes leurs ressources, amassé une somme d’environ 300 ducats qu’elles avaient remis aux pères de la Merci vers le milieu de l’année 1579. Le duc de Sesa s’était intéressé pour elles et les avait recommandées au roi. Tout ce que Philippe II fit en leur faveur se borna à l’envoi d’une licence pour trafiquer en Algérie. Ces licences étaient nécessaires pour l’exportation et se cédaient comme une valeur négociable. Mme Cervantes vendit la sienne pour 60 ducats. Enfin quelques négocians d’Alger se cotisèrent et complétèrent la somme exigée pour la rançon de l’illustre captif. D’abord Hassan-Aga avait demandé 1,000 écus. Il se rabattit cependant à 500, probablement lorsqu’il eut acquis la certitude de n’en pouvoir obtenir davantage. Il n’est pas aisé de découvrir de quels écus il s’agit et à quel prix fut estimé Cervantes. Selon M. Navarrete, on aurait payé aux pirates, y compris les gratifications, la somme de 6,770 réaux.

 
Réaux.
La mère et la sœur de Cervantes fournirent 
 3,300
Les négocians d’Alger 
 2,970
L’ordre de la Merci 
 250
Un certain F° Caramanche, au service du conseiller d’état Zapata 
 250
 
_____
                                                            Total 
 6,770