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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/821

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forment dans leur mutuelle indépendance comme autant d’états séparés ayant chacun leur armée d’employés, qui parfois entrent en lutte les unes avec les autres.

Si la Russie a des ministres, elle n’a pas encore de ministère au sens politique du mot en Occident. Entre les chefs des différens départemens il n’y a aucune cohésion, aucun lien; il n’y a ni solidarité ni direction commune. Depuis le règne d’Alexandre II, ils se réunissent bien pour délibérer ensemble, mais à ces réunions exigées par les besoins de l’unité administrative, la langue officielle refuse le titre occidental, le titre parlementaire de conseil (sovêt). En Russie on dit le comité des ministres, et ici les noms ne sont pas sans importance. Les ministres ne sont pas les seuls membres de ce comité; à côté d’eux y siègent le contrôleur de l’empire, les chefs des deuxième, troisième et quatrième sections de la chancellerie impériale, et aussi les présidens des divers départemens du conseil de l’empire. Le comité des ministres est présidé par un personnage que désigne l’empereur et qui lui-même n’est pas ministre : dans ces dernières années, c’était le général Ignatief, cousin du général du même nom, naguère ambassadeur à Constantinople. Ce comité a pour principale mission de discuter les affaires qui doivent être présentées à la sanction impériale, mais les chefs de certains départemens se dispensent parfois de cette formalité et frappent directement au cabinet de l’empereur. N’ayant de responsabilité que devant le souverain, et n’ayant devant lui qu’une responsabilité individuelle, les ministres ne sont en réalité que les secrétaires, on pourrait dire les commis du tsar. Chaque ministre est assisté d’un conseil composé de tous les directeurs du ministère, et chaque directeur a près de lui un conseil analogue formé de tous ses chefs de section. C’est là un système qui se retrouve à tous les degrés de l’échelle administrative.

Avant les récentes réformes, toute l’administration provinciale était organisée sur le type de l’administration centrale. Les circon scriptions administratives de la Russie remontent à Pierre le Grand ou plutôt à Catherine II. Le premier avait partagé l’empire en huit gouvernemens (gouhernii), sa fille Elisabeth en porta le chiffre à seize, Catherine II à quarante. Le nombre de ces circonscriptions s’est accru sans cesse, moins avec les conquêtes successives de l’empire qu’avec l’énorme accroissement de la population. Les gouvernemens primitifs de Pierre ou de Catherine ont dû être successivement coupés en deux, parfois en quatre, sans que la moyenne de leurs habitans ait diminué.

La Russie d’Europe compte, en dehors de la Finlande, de la Pologne et du Caucase, une cinquantaine de gouvernemens; le