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d’une tonalité douce où les animaux sont aussi franchement peints qu’admirablement dessinés. Ici, le Samson attaqué par les Philistins, que Van Dyck a plus tard reproduit avec de légères modifications[1]. Un tumulte d’hommes armés, des torches qui brillent dans l’ombre ou qui se reflètent sur les cuirasses, et, près de Dalila, Samson, la tête rasée, entouré, harcelé de tous côtés, et tout étonné de son impuissance. Elle pourtant, la perfide créature, les ciseaux à la main, avec son jeune et frais visage et son air ingénu, le sourire aux lèvres, mais non sans un reste d’inquiétude, elle attend, elle observe comment cet homme, jusqu’ici indompté, va faire face au danger. Dans le Massacre des innocens, la vie, l’éclat, la puissance d’expression, sont tels que l’on songe à peine au singulier accoutrement de ces mères flamandes qui, en pleine Judée, vêtues de robes de velours à crevés, essaient de disputer leurs enfans aux bourreaux qu’elles poursuivent de leurs imprécations. Sans parler de vastes machines telles que le Triomphe de la religion, le Martyre de saint Laurent, en omettant même des œuvres telles que la Chaste Suzanne, la Résurrection des justes et la Chute des anges, il faut cependant, à cause de sa célébrité, dire un mot de cette composition du Jugement dernier qui se trouve reproduite ici deux fois dans des dimensions différentes et avec quelques variantes. Malgré l’habileté de la facture et la vivacité étonnante d’un pinceau qui semble se jouer en créant ces innombrables figures groupées, enlacées de mille manières, nous ne goûtons guère pour notre part ces ouvrages trop vantés. Les grappes des suppliciés s’étagent et s’allongent en deux lignes minces qui traversent d’une façon assez déplaisante une composition à laquelle il faut reprocher d’ailleurs l’absence d’unité. On dirait que le peintre a pris à tâche d’y accumuler, avec des crispations et des pantomimes désordonnées, les raffinemens des plus horribles tortures et les rotondités de chairs un peu trop complaisamment étalées.

Abrégeons donc, puisque c’est dans cet ordre d’idées surtout qu’après Anvers et ce qu’en a dit Fromentin, il convient de passer vite et de garder le silence. Bien d’autres sujets d’ailleurs nous sollicitent. Tout d’abord cet Enlèvement de Phœbé et de sa sœur par Castor et Pollux. Les blondes victimes paraissent très résignées à leur sort et n’opposent pas grande résistance. Elles se contentent de lever les yeux au ciel pour attester la violence qui leur est faite et comme par acquit de conscience; mais elles laissent aux ravisseurs tout loisir pour soulever délicatement leurs beaux corps. Sans doute, ainsi qu’il arrive souvent chez Rubens, l’opposition

  1. Galerie du Belvédère à Vienne.