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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/869

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de distinction dont la présence seule est un honneur et dont les moindres paroles ont du prix. Il est donc le héros de la scène; tout se rapporte à lui, et les plus petites particularités qui le concernent sont minutieusement relevées. Voyez-le se jouer sur les blanches parois de la muraille, éclairant au passage les deux tableaux encadrés de noir, projetant un reflet sur le parquet, accrochant un luisant aux carreaux de faïence, glissant sur le cuir rouge des sièges ou sur le drap d’un grand coffre verdâtre, et ne quittant qu’à regret ce réduit bien clos, après avoir, comme par une dernière caresse, prêté ses plus douces colorations à quelques fruits posés sur un beau plat de Delft. Ces menus détails, vous les avez vus bien des fois, et cependant ce mobilier si net, si bien rangé, a sa physionomie intime et locale. Il vous dit l’existence tranquille de la dame du logis, ses paisibles habitudes, ses qualités de ménagère, le recueillement qu’elle sait faire autour d’elle. Vous éprouvez comme l’impression du silence dominical et je ne sais quel parfum de propreté un peu moite se respire dans cet intérieur. C’est tout un côté de la vie hollandaise qui vous apparaît avec sa régularité assez monotone, relevée cependant par une simplicité de bon goût qui ne manque ni d’élégance ni même d’une certaine grandeur. Et tout cela est si excellemment rendu que, sans vous inquiéter de la hiérarchie des genres, vous subissez le charme qu’on goûte à reposer son regard sur des œuvres si accomplies.

Après Pierre de Hooch, Terburg ne vous ménage pas de moindres surprises; non pas cependant avec ce Message que, sauf de légères variantes, vous avez pu voir reproduit dans mainte collection. Le messager ici est un trompette, assez bizarrement accoutré et empêtré dans un grand baudrier. La dame, comme toujours, est vêtue de cette belle robe de satin blanc brodée d’or pâle que l’artiste aimait à peindre. Elle hésite à recevoir cette lettre, dont le contenu n’est peut-être pas très séant et prend, pour la circonstance, un air de pruderie effarouchée. Vous pouvez gager cependant que la curiosité l’emportera et que sa rigueur ne restera pas inflexible, car cet intérieur, où les bijoux et l’argenterie sont complaisamment étalés, nous semble un peu suspect. Un second tableau, de dimensions plus grandes, est aussi d’une facture plus large et même assez imprévue chez Terburg. Nous sommes dans une pauvre chambre de paysan : un homme vêtu de noir et qui, malgré l’extrême simplicité de son costume, paraît être de haute condition, est assis devant le foyer; un gamin, à l’air inquiet et méfiant, se découvre gauchement en parlant au visiteur; à côté, des rustres qui fument ou qui boivent observent celui-ci avec une attention soupçonneuse. Que se disent ces gens? quel hasard amène un pareil hôte dans