Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Londres avec les conséquences qui devaient en résulter. Des deux côtés, l’honneur est sauf.

Quant au second point, il est difficile de ne pas être frappé des sentimens unanimes de l’Angleterre et de ne pas y voir un sujet de réflexions sérieuses. Est-il vrai, comme l’ont pensé les membres les plus éminens du parlement d’Angleterre, comme ils persistent à le penser aujourd’hui, que l’affaire des mariages espagnols ait été, non pas directement, mais par ses conséquences infaillibles, une des causes principales de la chute du roi Louis-Philippe ? Cette opinion, qui n’a pas cours en France, est aux yeux des Anglais une vérité indiscutable. À présent même que les colères de 1846 sont depuis longtemps éteintes, on ne traite pas ce sujet chez nos voisins sans expliquer de cette manière la révolution de février. C’est un point acquis à l’histoire, c’est un article de foi. Le baron de Stockmar ne fait que résumer les idées des hommes d’état de l’Angleterre, lorsqu’il expose dans ses écrits la philosophie d’une catastrophe qui a ébranlé pour longtemps la société européenne. Il était de ceux qui, sans nulle amitié pour la France, sans nulle sympathie pour le roi des Français, désiraient dans l’intérêt de l’Europe l’établissement solide de la monarchie de juillet. Il n’avait jamais eu de goût pour le gouvernement de la restauration. De 1814 à 1830, il avait plus d’une fois visité la France, examiné de près la marche des affaires, étudié les hommes d’état, interrogé l’esprit public, et s’était convaincu, — nous répétons ses paroles, — que ce gouvernement, pris dans son ensemble, était « un gouvernement sans intelligence comme sans droiture, un gouvernement immoral appliqué sans cesse à fausser la constitution. » La révolution de 1830 lui était donc apparue comme une délivrance, non-seulement pour la France, mais pour l’Europe. C’était la fin d’une politique funeste. On pouvait espérer, dit-il, que le nouveau roi et ses ministres, instruits par les circonstances, comprendraient la tâche imposée à leur patriotisme. Il s’agissait de transformer la charte de 1814 en une constitution appropriée au génie de la France et de la pratiquer loyalement, consciencieusement, sans s’écarter jamais ni de sa lettre, ni de son esprit.

Stockmar se demande si le roi Louis-Philippe était bien l’homme qui convenait à ce rôle. « Dans le commencement, dit-il, on put le croire ; la suite des choses a montré le contraire. » L’habile observateur prétend même avoir découvert les principes qui dirigeaient la conduite du roi des Français, bien que le roi, à ce qu’il prétend, n’éprouvât pas le besoin de se conduire d’après des convictions arrêtées. Aussi n’étaient-ce pas précisément des principes, des règles de conduite méditées avec soin comme les quatre règles du Discours de la méthode, c’étaient surtout des instincts, des entraînemens,