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LA
TÊTE DE LA SULTANE
POEME.

Le fils du grand Mourad, le sultan Mahomet,
Quand il veillait le jour, la nuit quand il dormait,
N’avait qu’une pensée et qu’un rêve : Byzance !
Parfois dans un léger caïque de plaisance
Qu’emportaient sur la mer vingt robustes rameurs,
Pensif, il écoutait les confuses rumeurs
De la ville et voyait, mais de trop loin encore,
Ses dômes se mirer dans l’azur du Bosphore.
Comme un noble étalon irrité par un taon,
Ayant toujours au cœur ce désir, le sultan
Savait que les soldats lui seraient nécessaires
Et souvent il jetait de l’or aux janissaires.
Mais ceux-ci, par la paix trop longue corrompus,
N’étaient jamais assez abreuvés ni repus
Et réclamaient de lui toujours plus de largesse;
Si bien que Mahomet, dans sa haute sagesse,
De leur plainte vénale un jour se fatigua.
Furieux, il avait souffleté leur aga
Et s’était enfermé dans son harem de Brousse.

Comme la soldatesque aisément se courrouce.
Bientôt l’émeute, avec ses cris et ses sifflets,
S’agita sourdement autour du vieux palais
Qui demeurait toujours clos, muet et terrible.
Devant le mur roussi que l’ardent soleil crible,