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si ce n’est Jean Bellin, immortalise le Songe de Polyphile; Boticelli, ce maître adorable qui allie la dureté tudesque à la désinvolture florentine, illustre le Dante; Jean Goujon donna des dessins pour la traduction du Songe de Polyphile; Philibert Delorme orne des livres d’architecture; Jean Cousin invente des marques d’imprimeurs et compose deux cent quatre-vingt-sept planches pour une Bible; Jean de Calcar traduit au crayon le traité d’anatomie d’André Vésale; Augustin Carrache rivalise avec l’Arétin; enfin on attribue au Titien plus d’un dessin des Habiti antichi et moderni de son neveu Cesare Vecellio. Après ces maîtres ne faut-il pas citer aussi Jod Amman, Bernard Salomon, dit le Petit-Bernard, Périssin, Torterel, Geoffroy Tory, Giuseppe Porta, Pierre Woeiriot, Jean de Brescia, Jollat, Virgile Solis et tant d’autres artistes qui ont donné au livre l’aspect et la valeur d’un joyau. Feuilletez ces beaux livres des Geoffroy Tory, des Jan de Tournes, des Simon Vostre, des Guillaume Roville, ces Heures et ces emblèmes, ces romans de chevalerie et ces chroniques, ces recueils de costumes et de médailles, et vous admirerez le grand style des figures, le génie de la composition, la grâce, le mouvement, le naturel des attitudes, l’effet et le caractère des scènes, et, au point de vue de la gravure, la finesse, la liberté, la sûreté des tailles.

Et quelles surprises réserve la variété de ces encadremens qui joignent au souverain caractère de l’antique la richesse d’imagination, l’exubérance de pittoresque, le miracle d’imprévu de la renaissance! Des canéphores voilées, belles et sévères comme des statues tumulaires, s’accotent aux deux montans des cadres ornés de nielles, d’oves et d’acanthines. A la bise nagent des chevaux marins ou volent des hippogriffes reliés par leurs queues de serpens. Au sommet, deux chiens, arc-boutés sur leurs pattes, l’échine basse, la gueule ouverte, se regardent nez à nez, prêts à s’entre-dévorer. Ce sont aussi de sveltes cariatides supportant des frontons doriques dont les deux versans sont occupés par des figures couchées de femmes nues, des colonnes cannelées ayant pour chapiteaux des guirlandes de fleurs et des banderoles à devises au milieu desquelles se modèlent des masques de satyres où s’accolent des médailles grecques, des draperies relevées par des amours, des gerbes de blé portées par des génies, des grappes de fruits tombant des cornes d’abondance. C’est un monde où concourt tout ce qui est nature, art, science, attribut, emblème, tradition, invention. Pour relier les sujets principaux, courent les nielles les plus capricieux, grimpent des arabesques flexibles et ténues comme les lianes des forêts, s’enroulent les rinceaux, grimacent les mascarons, s’élancent les colonnes, se contournent les volutes, s’égrènent les chapelets de perles, tombent les corbeilles de raisins, s’effeuillent les roses, se dressent les lis, s’épanche l’eau des urnes symboliques, flottent les étendards et