Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

professeurs étaient grandes. Ici encore tout était resté immobile ; aucune impulsion progressive. Telles, en 1846, avaient été établies les écoles préparatoires, telles à peu près les retrouvait-on en 1870. Lors de leur fondation, c’était comme un essai que l’on tentait, et l’on n’avait donné qu’une organisation de début et incomplète à ces institutions ; après vingt-cinq ans, rien n’avait été développé, perfectionné. Les facultés de médecine n’avaient pas changé ; pourquoi aurait(on apporté des changemens à l’institution des écoles préparatrices ?

Un tel état de choses devait, frapper tous les esprits, même ceux qui, disposés à un optimisme invincible, croyaient volontiers que rien ne se faisait mieux ailleurs qu’en France. Aussi la situation de notre enseignement supérieur, celle en particulier de notre enseignement médical, commençait-elle à préoccuper dans les dernières années du gouvernement impérial, ceux qui avaient souci de notre avenir intellectuel et national. Il est de toute justice de citer, parmi les ministres de l’instruction publique qui aspiraient à relever cet enseignement, M. Duruy, à qui est due la création de l’école pratique des hautes études, création qui dure encore et qui a donné d’heureux résultats. Sous ce ministère, les projets d’agrandissement de la faculté de médecine de Paris, longtemps médités, furent définitivement arrêtés, et l’exécution en paraissait prochaine. Subordonné à des travaux de voirie, et semblant ne vernir qu’en sous-ordre, cet agrandissement si urgent fut différé. On paraissait croire qu’il serait toujours temps d’en arriver aux améliorations réclamées par le public médical.

Quelques autres raisons d’ordre moral et inavouées germaient au fond des esprits et refroidissaient tout élan qui nous eût été favorable. L’enseignement et le public médical n’ont jamais été très sympathiquement vus dans les hautes régions du pouvoir. La grandeur et la réalité de la médecine, comme science et comme art, y sont en général mal appréciées. On ne distingue guère, même dans ces régions, le médecin instruit, savant, consciencieux, réservé et digne, du médecin ignorant, plein de jactance, étalant d’autant plus de science qu’il en possède moins, et qui fait de sa profession un métier plus ou moins lucratif et menteur. Il en a été et il en sera toujours ainsi. La médecine est tellement inconnue des profanes, qu’on nous pardonne ce mot, que ceux-ci discernent rarement la science fausse et vaine de la science solide et vraie. La médecine, pour eux, conserve toujours une teinte de la science douteuse des arcanes, et elle est plus un mystère plein de hasards qu’un art éclairé et qui sait où il va. Les médecins, en outre, étaient redoutés dans leur action sociale et publique ; on les suspectait d’hostilité au point de vue politique, et ce sentiment