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national, à nos traditions. Certains réformateurs auraient conseillé, de dépouiller entièrement le vieil homme, et nous auraient condamnés à une imitation servile de l’Allemagne. C’eût été la plus déplorable des entreprises. La médecine française y eût compromis son mérite propre sans acquérir le mérite de sa redoutable rivale. Notre organisation d’enseignement non-seulement vaut toute autre organisation, mais elle peut lui devenir supérieure. Il ne s’agit que de la fortifier et de la grandir.

Il faut se garder de diminuer chez nous le caractère vraiment scientifique des générations médicales formées par le concours. Ce n’est pas tel ou tel point de la science qu’elles connaissent particulièrement, c’est la science entière, c’est-à-dire la vraie science, dont la connaissance approfondie leur est imposée par la longue filière de compétitions et d’épreuves qu’elles ont à affronter, et qui commencent à l’internat pour se continuer sans relâche jusqu’aux concours qui livrent le titre d’agrégé et celui de médecin des hôpitaux. Ce sont nos persévérantes études de science générale qui donnent à ces générations médicales le goût dominant des études cliniques. La médecine française, même celle qui aime et cultive l’expérimentation, reste essentiellement clinique ; c’est sa marque propre. Nous aimons peu les études de laboratoire isolées, détachées de l’histoire des maladies et de la thérapeutique ; nous les faisons converger vers la connaissance des lésions et des actes morbides, nous les mettons le plus possible en comparaison avec les faits d’observation, et nous interrogeons ceux-ci avec une sorte de prédilection, car nous savons qu’ils réalisent l’expérimentation la plus délicate et la plus instructive, auprès de laquelle les expérimentations de laboratoire restent souvent douteuses et insuffisantes.

Telle est notre tradition ; elle sera notre honneur et notre force dans l’avenir, comme elle l’a été dans le passé. Que le spectacle des nations voisines ranime notre activité, mais qu’il ne nous jette pas hors de nos voies naturelles. Ne nous accusons pas de défauts qui sont nos qualités. Nous nous perdrions à vouloir acquérir certaines vertus qui nous sont antipathiques, et qui étoufferaient nos vertus de race. La médecine française aime la clarté, répugne aux explications factices, tourne tout aux études cliniques qu’elle poursuit avec passion. Maintenons-la telle, et que nos réformes de l’enseignement médical se conforment à son génie.


CHAUFFARD.