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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/190

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querelles contre les natifs. Il devint nécessaire de demander des renforts en Angleterre.

En ce temps (1852), on commençait à s’apercevoir à Londres que certaines colonies coûtent plus qu’elles ne valent. Conquérir de nouveaux territoires par la force des armes, quand on en possède déjà tant, c’est, pensait-on, épuiser sans profit le trésor et l’armée de la Grande-Bretagne. Protéger les races aborigènes contre les Européens, civiliser des barbares, ouvrir les pays inconnus au commerce et à la religion chrétienne, c’est excellent, encore faut-il ne pas poursuivre cette mission chevaleresque sur tous les points du globe à la fois. Lord Grey, qui était ministre des colonies, rappela au gouverneur du Cap que l’Angleterre se souciait peu de la province d’Orange, que d’ailleurs elle n’en avait accepté la souveraineté que sur l’assurance donnée par lui que les habitans, blancs ou noirs, le désiraient presque tous. Si le fait n’était pas exact, il valait mieux revenir en arrière. Comme consécration de cette nouvelle doctrine, le gouverneur, sir H. Smith, fut rappelé par le motif qu’il se plaisait trop à guerroyer contre les Cafres et autres tribus natives. En même temps, un traité conclu avec les fermiers du Transvaal prouvait que le cabinet britannique n’avait plus scrupule de laisser les sujets de la reine s’établir en nation autonome au dehors des frontières reconnues. Pretorius, amnistié pour la seconde fois, reparut à Bloemfontein pour s’entendre déclarer que ses compagnons et lui étaient libres, que le gouvernement anglais ne se mêlerait plus désormais de leurs affaires. L’année d’après, au retour d’une expédition heureuse contre Moshesh, la même faveur fut accordée aux habitans de l’Orange. Le résident réunit les notables pour leur dire que, s’ils voulaient devenir indépendans, le gouvernement anglais était disposé à leur abandonner tous ses droits de souveraineté. Les boers n’hésitèrent point. Aussitôt une constitution républicaine fut mise en vigueur. Le pouvoir suprême fut dévolu à un volksraad ou assemblée du peuple, élu par le suffrage universel. Tout individu de race blanche, né dans la province ou y étant propriétaire, devenait burgher, autrement dit citoyen. N’est-il pas curieux de voir un peuple, soumis jusqu’alors au pouvoir absolu d’un gouvernement lointain, reprendre avec si peu d’embarras, du jour au lendemain, la direction de ses propres affaires ? Il ne devait y avoir rien de prêt, ni administration, ni armée, ni finances. Cependant, dès le début comme aussi plus tard, lorsque les difficultés surviennent, elles ne sont pas causées par des dissensions intestines. Ce sont les relations avec les indigènes qui, dans l’Orange de même que dans le Transvaal, sont l’écueil de ces gouvernemens improvisés.